Assurance emprunteur : les clients auront-ils vraiment plus de pouvoir avec la loi Hamon ?
L’assurance emprunteur coûte cher. La loi Hamon donne désormais un droit au changement jusqu’à 12 mois après signature du contrat. Elle compte sur une baisse des primes grâce à davantage de concurrence.
A partir de ce samedi 26 juillet, tous les nouveaux contrats d’assurance emprunteur signés à l’occasion d’un crédit immobilier pourront être résiliés pendant 12 mois, à condition d’être remplacés par un contrat aux garanties équivalentes.
La loi Hamon ou loi Consommation offre une plus grande liberté au consommateur pour qu’il compare les contrats d’assurance emprunteur et puisse trouver la meilleure offre. Les contrats signés avant cette date ne sont pas révocables. Pour résilier, une lettre recommandée devra être envoyée à la banque au plus tard 15 jours avant la fin de la période des 12 mois. Après un an, l’assuré sera engagé.
“L’emprunteur pouvait auparavant seulement substituer son assurance avant la signature de l’offre de prêt, ce qui limitait considérablement la possibilité de substitution. Le législateur a ainsi voulu donner par cette mesure le temps aux emprunteurs de faire jouer la concurrence entre les différentes offres d’assurance”, a expliqué la secrétaire d’Etat chargée de la Consommation, Carole Delga, dans un communiqué.
Aujourd’hui, les banques ont la main mise sur ces contrats d’assurance, malgré la loi Lagarde de 2010 qui autorise déjà de signer ailleurs (délégation d’assurance). 80% des contrats d’assurance signés le sont avec le bancassureur.
Négociation crédit immobilier et assurance de prêt
Beaucoup s’interrogent sur l’impact que pourra avoir la loi Hamon pour remettre en cause ce quasi-monopole, avec à la clef d’importantes économies pour le consommateur.
“On ne le dira jamais assez, mais les acquéreurs immobiliers ont plus à gagner en négociant leur assurance emprunteur que leur taux. Cette mesure pourrait être extrêmement efficace avec une économie possible de 15% sur le coût de l’emprunt, ce qui est considérable, car la part de l’assurance représente environ 30% du coût global et une délégation d’assurance pourrait en moyenne le diviser par deux“, explique Christophe Triquet, directeur général du site LeComparateurAssurance.com
“L’économie que pourront réaliser les emprunteurs grâce à cette mesure pourra donc être conséquente: on estime ainsi que cette économie pourrait atteindre jusqu’à 9.000 euros pour un prêt de 300.000 euros sur 20 ans“, précise la secrétaire d’État chargée de la Consommation
Tout sera affaire de négociation et le client devra réfléchir à ses intérêts d’un point de vue de la solution globale : crédit immobilier et assurance de prêt.
Ainsi, “par exemple, nous pouvons conseiller à un couple de moins de 35 ans avec un dossier standard de prendre un crédit avec un taux peut être légèrement plus élevé dans une banque qui acceptera une délégation d’assurance avec un taux très compétitif et donc le faire bénéficier de la solution la plus avantageuse au global. A l’inverse, nous pourrons négocier pour un couple avec de très bons revenus un taux excellent avec une décote de plus de 0,50 point, mais avec une assurance groupe ‘assurance de la banque, ndlr), et là aussi il sera gagnant au final… D’autant que la banque pourra peut être également faire un effort sur l’assurance groupe !”, projette Jérôme Robin, président et fondateur de Vousfinancer.com, spécialiste du courtage en crédits immobiliers.
Afin que les consommateurs y voient bien clair et puissent étudier les différentes offres, “le coût total de l’assurance sur la durée totale du prêt et son coût par période devra obligatoirement figurer sur la notice, ainsi que la définition du Taux Annuel Effectif de l’Assurance(TAEA). La fiche d’information standardisée conjointement remise à l’emprunteur devra détailler les garanties proposées“, rappelle Ulrich Maurel, fondateur d’Immoprêt, courtier en prêt immobilier.
Attitude des banques ?
Pourtant, les jeux sont loin d’être encore faits. Il ne sera peut être pas si facile pour les clients de sortir du giron des banques qui pourraient tout faire pour les décourager de partir à la concurrence.
“La loi Hamon a une faiblesse : la banque peut s’opposer à la substitution de son assurance par une autre assurance si ses garanties ne sont pas meilleures ou au moins aussi bonnes que celle de l’assurance de la banque. Une faille technique car au vu de la complexité des contrats d’assurance, il est toujours possible de trouver une garantie, une franchise ou une exclusion, aussi mineure soit-elle, pour laquelle l’assurance de la banque est supérieure“, craint, Stanislas di Vittorio, fondateur du comparateur d’assurance, Assurland.
Si les banques envoient cette fin de non-recevoir aux clients, l’impact attendu de la loi Hamon pourrait être largement diminué. D’autant que les consommateurs pourraient aussi faire preuve d’un certaine inertie.
“Dans les faits, peut-on vraiment croire qu’après plusieurs mois de démarches dont la recherche du bien, la négociation du prix, la signature du compromis – devenue plus compliquée depuis la loi Alur – la recherche d’un crédit immobilier, la signature de l’acte authentique, les travaux éventuels et le déménagement, les emprunteurs voudront encore se lancer dans un processus de résiliation d’assurance ? Il faudra chercher une assurance plus avantageuse, mais avec les mêmes garanties, adresser la nouvelle offre à la banque qui l’acceptera – ou la refusera ! – sous 10 jours, puis informer l’assureur par lettre recommandée de sa demande de résiliation…,” s’inquiète Jérôme Robin, président et fondateur de Vousfinancer.com.
Avec un pouvoir de négociation pouvant être limité, dans les faits, par des exigences pointilleuses des banques, il n’est dit pas encore dit que les consommateurs puissent bénéficier pleinement des nouveaux avantages de la loi.
Rappel : L’assurance emprunteur couvre le client contre le risque de décès, d’incapacité ou d’invalidité. Cette assurance n’est pas obligatoire mais souvent exigée pour l’obtention d’un prêt. D’autres options peuvent être proposées comme la garantie perte d’emploi.
Les banques proposent des contrats de groupe. Les risques sont regroupés et le principe de solidarité s’applique : les jeunes et les personnes en bonne santé payent pour les personnes âgées et les personnes à risques. Les contrats sont plus simples, rapides avec moins de frais de gestion mais le tarification est uniforme, quel que soit le profil du client.
Plus précisément, les banques essaient de proposer désormais des contrats de groupe plus ciblés en mutualisant le risque auprès d’une même catégorie d’âge.
A noter : Les primes sont parfois bien très élevées au vu du risque supporté par l’assureur. Certains réclament le remboursement de cette surfacturation aux clients au titre de la participation aux bénéfices techniques et financiers.