Chikungunya, dengue, paludisme, fièvre catarrhale ovine : Quelle politique de lutte contre les vecteurs de ces maladies ?

Ces dernières années ont été marquées par l’extension rapide de plusieurs maladies humaines et animales transmises par des insectes vecteurs comme des moustiques et des moucherons, ou par des tiques. Les alertes sur l’apparition d’épidémies rythment l’actualité et soulignent la difficulté à anticiper ce problème de santé publique.

A la demande commune de cinq ministères français, l’IRD vient de produire dans le cadre de ses « expertises collégiales » un état des lieux complet et une analyse des dispositifs de lutte antivectorielle en métropole et dans les régions ultra-marines. La « lutte antivectorielle » a pour objectif de minimiser les risques d’endémisation ou d’épidémisation, et de diminuer la transmission d’agents pathogènes par des vecteurs. Les défis à relever sont d’autant plus complexes que les changements climatiques, environnementaux ou sociétaux influencent considérablement les systèmes vectoriels.

Maladies vectorielles : quels impacts ?

Leur réémergence, voire leur émergence dans des lieux auparavant épargnés, confirme la réalité des risques liés à ces maladies pour l’homme et l’animal. Les politiques de lutte sont globales et doivent désormais prendre en compte non seulement l’approche médicale mais également d’autres voies comme par exemple les conditions de vie ou le niveau d’information.

L’épidémie du virus chikungunya, introduit en 2005 à La Réunion et à Mayotte et qui a sévi jusqu’en avril 2007, a été de forte ampleur. Avec près de 2 millions de cas avérés et suspects dans le monde, un potentiel de transmission existe en métropole (sud-est), comme dans certaines zones d’Europe du sud en raison de l’implantation du moustique vecteur (Aedes albopictus). L’incidence de la dengue progresse quant à elle depuis quelques décennies au niveau mondial.

Représentant 60 à 100 millions de personnes infectées, elle peut être à l’origine de complications mortelles. Sans traitement, ni vaccin, on parle de 20 000 morts par an, la lutte antivectorielle reste la méthode de choix pour limiter la maladie. Autre maladie, autre échelle, le paludisme tue 1 à 3 millions de personnes par an. 40 % de la population mondiale est exposée au risque de paludisme, y compris en Guyane et à Mayotte. La situation est préoccupante car les parasites résistent aux traitements, et les moustiques résistent aux insecticides. Aucun vaccin n’est aujourd’hui disponible.

Autre exemple touchant les pays tropicaux mais également les pays méditerranéens, les leishmanioses affectent la santé des populations à hauteur de 2 millions de cas dans le monde selon l’OMS.
Coté vétérinaire, la fièvre catarrhale du mouton, due à un virus transmis par un moucheron, peut causer 60 à 70% de pertes dans certains élevages et génère des déficits commerciaux dus au coût de la surveillance, aux contrôles sanitaires et à la vaccination. Présente sur plusieurs continents, cette maladie a été observée dernièrement dans les pays d’Europe du nord où les insectes vecteurs ont su résister aux hivers européens.

Huit recommandations pour lutter contre les insectes vecteurs et amoindrir les risques

Comment mieux évaluer le risque épidémique en fonction du système vectoriel concerné ? Quelles recherches faut-il développer ? Existe-t-il une adéquation entre les stratégies d’intervention de la lutte antivectorielle et les contextes environnemental, économique et épidémiologique ? Où en est la réglementation actuelle ? Quelles sont les structures de la lutte antivectorielle et de quels moyens disposent-elles ? À l’issue d’une année de travail, une analyse transversale et pluridisciplinaire vient ainsi d’être produite par un collège d’experts mobilisés par l’IRD et répondant à ces questions.

Ce travail souligne notamment les évolutions indispensables que doit connaître ce domaine sensible et livre des recommandations en vue d’une refondation des politiques de lutte en France. Ces recommandations couvrent les champs de la formation, de la collaboration, de la communication, du soutien à la recherche et envisagent les stratégies d’intervention ainsi que les moyens de fédérer les compétences dans le monde.

Tenir compte des facteurs d’accroissement des risques

La lutte antivectorielle doit permettre de gérer les épidémies dans un cadre stratégique formalisé, en se souciant des nombreuses causes aggravant le risque épidémique. Ainsi, si l’on connaît historiquement l’influence des migrations et des échanges commerciaux sur certaines épidémies ravageuses, on sait par exemple aujourd’hui le poids des conditions de vie et notamment des conditions d’hygiène, ou les conséquences de l’urbanisation et de l’organisation des systèmes urbains (transports, réseau d’eau, etc.) sources potentielles de précarisation.

Par ailleurs, bien avant la montée du niveau des océans, le changement climatique aura un effet considérable sur la répartition des insectes vecteurs et les maladies, comme la fièvre catarrhale ovine ou les leishmanioses.

Changements climatiques, mode de vie, migration, urbanisation, autant de facteurs qu’il est important de considérer tant leur impact, direct ou indirect, est considérable. La lutte antivectorielle en France doit aujourd’hui tenir compte de la complexité de ces facteurs multiples et globaux.

Les résultats de cette expertise collégiale sont synthétisés dans un livre publié aux éditions IRD (« La lutte antivectorielle en France », IRD Editions, 2009)


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