Assurance maladie : 40% des spécialistes, 85% des chirurgiens libéraux et 11% des généralistes pratiquent des dépassements d’honoraires
Conçue au départ comme une solution budgétaire, l’autorisation donnée aux médecins de pratiquer des dépassements d’honoraires est devenue au fil du temps un problème pour l’accès aux soins. Le gouvernement vient d’imposer un remède, mais le dossier n’est pas clos pour autant.
Q: Quelle est l’origine des dépassements ?
R: En 1980, alors que les comptes de la Sécu virent au rouge, sous l’effet des chocs pétroliers, le gouvernement de Raymond Barre cherche à maîtriser les dépenses de santé, notamment en freinant la revalorisation des tarifs médicaux.
Mais il autorise les médecins qui le souhaitent à s’octroyer une augmentation non remboursée par l’assurance maladie. Ce sera le “secteur 2”.
Le code de déontologie médicale prévoit que ces dépassements doivent être pratiqués “avec tact et mesure”, une recommandation de moins en moins respectée.
Q: Les médecins se sont-ils engouffrés dans la brèche tarifaire ?
R: Pas au début. La CSMF (Confédération des syndicats médicaux) syndicat dominant de la médecine libérale est même farouchement contre, alors qu’elle avait réussi à obtenir en 1971 que soit fixés des tarifs opposables nationaux (qui servent de base de remboursement à la Sécu), sans différences régionales, régulièrement négociables tous les 4-5 ans au moyen de conventions signées avec l’assurance maladie.
Q: Pourquoi la situation a-t-elle changé ?
R: Les tarifs Sécu n’augmentant pas ou peu, contrairement au coût de la pratique, surtout pour les médecins spécialistes de bloc opératoire, doté de matériel de plus en plus sophistiqué, les dépassements sont parfois devenus une nécessité économique.
Les primes d’assurance des chirurgiens ont également flambé pour faire face aux éventuelles poursuites judiciaires de la part de patients. L’explosion des prix de l’immobilier dans les grandes villes a enfin alourdi les charges foncières ou locatives des cabinets.
Q: Quelle est la physionomie actuelle ?
R: Environ 40% des spécialistes (85% des chirurgiens libéraux) et 11% des généralistes pratiquent des dépassements d’honoraires qu’ils appellent “compléments d’honoraires”, les estimant indispensables pour couvrir leurs charges. Tous médecins confondus, ils représentent 2,5 milliards d’euros.
Conséquence: dans certaines villes, des spécialités ne sont plus disponibles qu’en secteur 2, et à Paris, on trouve peu de généralistes en secteur 1 dans certains quartiers.
Q: Quelles solutions pour limiter les dépassements ?
R: Au début des années 90, l’accès au secteur 2 a été gelé, autorisé seulement à des médecins à profil particulier, comme ceux ayant le titre de chef de clinique.
Puis on s’est orienté vers un secteur tarifaire dans lequel rentreraient des médecins acceptant de limiter leurs dépassements, en échange d’avantages sociaux.
Une “option de coordination” a été proposée en 2005 autorisant les spécialistes à dépasser de 20% les tarifs Sécu pour leurs actes techniques mais sans grand succès (quelque 1.500 signataires).
L’idée a mûri aussi d’un “secteur optionnel”, d’abord réservé aux chirurgiens, anesthésistes et obstétriciens.
Un accord a été signé en 2009 entre l’assurance maladie, les syndicats libéraux mais aussi, fait nouveau, les complémentaires santé, ces dernières s’engageant à rembourser des dépassements plafonnés à 50% au-dessus du tarif opposable.
N’étant pas mis en application cet accord a été renégocié pour la convention médicale de 2011. Les mutuelles refusant de signer, le gouvernement est passé en force.
Q: Le dossier est-il clos ?
R: Loin de là. On ignore si beaucoup de praticiens vont choisir cette option et donc si la régulation va fonctionner. Cette solution pourrait en outre être revue en cas d’alternance politique au printemps.