Grippe : les mesures d’urgences lancées
La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a donné son feu vert à des mesures d’urgence dans les hôpitaux, comme la déprogrammation d’opérations, pour répondre à la plus importante épidémie de grippe des cinq dernières années, sur fond de polémique avec les urgentistes.
“On n’avait pas vu d’épidémie aussi importante depuis la pandémie de 2009/2010“, dit l’épidémiologiste Isabelle Bonmarin, chargée de la surveillance de la grippe à l’Institut de veille sanitaire (InVS). Elle fait état d’un nombre élevé d’hospitalisations “chez les personnes à risques comme les personnes âgées qui ont souvent d’autres pathologies”.
Le plan Orsan, déclenché jeudi, prévoit notamment la mobilisation du secteur ambulatoire (médecine libérale), afin que l?hospitalisation soit réservée aux situations d?urgences, et des déprogrammations d’opérations non-urgentes dans les hôpitaux.
“Concrètement il s’agit que les ARS (agences régionales de santé) soient attentives à ce qui se passe sur les territoires, que les hôpitaux s’organisent, soit avec des ouvertures de lits, soit avec la réorganisation des services pour accueillir les personnes malades de la grippe“, a déclaré vendredi Mme Touraine, en visitant une maison de santé dans le Val-d’Oise.
Le plan Orsan est déclenché alors que les urgentistes dénoncent une “situation sanitaire critique” dans les hôpitaux avec une saturation comparable à celle de l’été caniculaire de 2003 qui avait fait 15.000 morts.
Pour Patrick Pelloux, le président de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf), la situation a été mal anticipée par les pouvoirs publics qui auraient dû réagir une semaine plus tôt.
Encombrement des urgences
A force “de gérer les crises sanitaires en regardant les chiffres et les courbes augmenter en ne prenant jamais de décision au bon moment, de manière à éviter l’encombrement (…) on a une saturation des urgences“, explique-t-il à l’AFP.
“La situation est très compliquée dans une dizaine de régions“, indique pour sa part François Braun, président de l’association Samu-Urgences de France qui ajoutéeque la situation “s’est vraiment dégradée depuis trois semaines“.
A l’hôpital Nord de la Croix-Rousse (Lyon), Véronique Potinet, chef de service des urgences, rapporte que “l?hôpital est saturé depuis un mois ou deux. Les gens restent des heures sur les brancards. On a ce surcroît d?hospitalisations chaque hiver. On ne sait plus où mettre les patients?.
La Direction générale de la santé (DGS) a reconnu, pour sa part, mercredi, que des “tensions” étaient observées depuis janvier dans “certains” hôpitaux en raison de l’épidémie de grippe qui a débuté à la mi-janvier, couplée à “l’augmentation des autres pathologies hivernales“.
En première ligne pour combattre la grippe, les médecins généralistes ont traité la grande majorité des personnes touchées, selon le président du syndicat MG France Claude Leicher qui en profite pour rappeler que la médecine générale a besoin de moyens supplémentaires pour résoudre “le problème classique d’engorgement des urgences”.
Selon les dernières statistiques diffusées par l’InVS, la grippe a déjà touché plus de 2 millions de personnes depuis le début de l’épidémie, dont 600.000 nouveaux cas la semaine dernière.
Mais des incertitudes subsistent pour savoir si l’épidémie a déjà atteint son pic (son niveau le plus élevé en terme de nombre de nouveaux cas par semaine).
“Nous pensons que le pic épidémique a été atteint dès la semaine dernière et qu’on a déjà amorcé la descente, mais ces données doivent encore être consolidées“, souligne Mme Bonmarin alors que le ministère de la santé estime que le pic “n’est pas encore atteint”.
Le nombre des hospitalisations, notamment en réanimation, continue en revanche à augmenter “surtout chez les plus de 65 ans” selon l’InVS qui observe également un “excès de mortalité”, toutes causes confondues, chez les personnes de 65 ans et plus“, mais ajoute que “la part attribuable à la grippe dans ces décès n?est pas connue“.
La semaine dernière, 245 nouveaux cas graves de grippe ont été hospitalisés en réanimation, portant à 728 le nombre total des cas graves répertoriés depuis le 1er novembre, et dont 72 ont abouti à des décès, toujours selon l’InVS.
Mais l’Institut estime dans le même temps que les taux d’hospitalisation et de décès “restent encore dans des valeurs habituelles“.