Basket : Fin de saison peu “Bryant” pour Kobe
Blessé au tendon d’Achille la semaine dernière, la star des Los Angeles Lakers Kobe Bryant sera absent des parquets pendant de longs mois. A 34 ans, la carrière du quintuple champion NBA est en jeu. Sans compter le manque à gagner pour son club. L’occasion de faire un point sur les questions d’assurance dans ce genre de cas.
A trois minutes de la fin du match opposant les Los Angeles Lakers aux Golden State Warriors vendredi dernier, Kobe Bryant s’est rompu le tendon d’Achille. Le verdict est sans appel, entre 6 mois et un an sans fouler un parquet NBA. Même si la star de 34 ans affirme vouloir se soigner et revenir au plus haut niveau, sa longue absence des parquets suscite l’interrogation, notamment pour son club.
Privée de son meilleur joueur pour la fin de championnat et vraisemblablement pour la saison 2014, la franchise de L.A. sera couverte par les assurances. “Les joueurs d’une équipe représentent du capital pour un club, comme des actifs mobilisés, et évidemment ça s’assure”, explique Jean-François Rebut, directeur adjoint du département sport et évènement chez le courtier en assurances Gras Savoye. “Dans le domaine de l’assurance, c’est la NBA qui souscrit un contrat au profit des clubs, auprès d’une ou plusieurs compagnies pour couvrir l’ensemble des joueurs. Cette couverture est ensuite refacturée au prorata des masses salariales à chacun des clubs”, explique Didier Loiseau, directeur général du courtier Henner Sports. “De plus, dans la ligue de basket américaine les contrats sont ‘No Cut’ sauf exception, c’est à dire des contrats garantis sur la durée. Si un joueur signe un contrat de 5 ans et qu’il se blesse au bout d’un an par exemple, son contrat sera honoré jusqu’à son terme et son club devra lui payer son salaire jusqu’au bout”.
La question du « salary cap »
Problème supplémentaire pour les Lakers, le club dépasse le “salary cap” (système de plafonnement de la masse salariale) autorisé par la NBA et doit payer une “luxury taxe”, notamment à cause des salaires de ses gros joueurs, Kobe en tête. Selon le site d’information spécialisé The Post Game, le système d’assurance de la NBA est disposé à payer jusqu’à 80% des 30M de dollars du salaire de Kobe Bryant s’il manque toute la prochaine saison.
“La grosse question qui se pose, c’est que les L.A. Lakers peuvent être tentés de négocier avec l’assureur pour couper le contrat de Kobe Bryant et le faire sortir de la liste des joueurs étant donné la gravité de sa blessure et l’intérêt de s’exonérer de la luxury taxe”, ajoute Didier Loiseau. “Par contre, si Kobe Bryant décide de revenir à l’issue de sa blessure, ce dernier est alors libre de signer où il veut”.
Couvrir le manque à gagner
Plusieurs fois élu meilleur joueur du championnat NBA et quintuple champion avec les Lakers, Kobe Bryant est aussi une formidable machine à cash pour son club. Lorsque le “Black Mamba” joue, c’est la certitude pour la franchise californienne de remplir les 19.000 places du Staples Center et de faire tourner le marchandising. On imagine donc aisément que le club de Los Angeles a prévu de se couvrir du manque à gagner en cas de perte de son meilleur atout.
“La perte de chiffre d’affaires est un risque que l’on sait couvrir en assurance”, explique Patrick Vajda, responsable du pôle Évènements et Sports chez le courtier en assurances Marsh. “Seulement, la plupart des matchs NBA se jouent à guichets fermés et les billets sont achetés très longtemps à l’avance. Il est vraisemblable qu’il y ait peu de risques de demandes de remboursements, même si un joueur star s’est blessé”.
Sponsoring et droits télévisés
Celui qu’on désigne comme l’héritier moderne de Michael Jordan est évidemment bardé de sponsors et sous contrats avec de nombreuses marques. Nous sommes évidemment en droit de nous demander si une blessure peut compromettre les accords avec l’ensemble des partenaires ?
“Compte tenu de sa notoriété, je pense que Kobe Bryant a aussi ce qu’on appelle des contrats de sponsoring “sans clause”. C’est alors le sponsor qui signe avec Kobe Bryant qui assume les risques de non exposition médiatique du joueur du fait de sa blessure. Le sponsor peut ensuite de son côté souscrire un contrat pour se couvrir d’une éventuelle perte de sa star”, explique Didier Loiseau.
La même interrogation se pose évidemment à propos des retransmissions télévisées des matchs NBA. Le championnat sera-t-il finalement autant suivi sans le meilleur joueur de cette dernière décennie ? Imaginons une minute une Champions League sans Lionel Messi ? Y aurait-il le même engouement ?
“Le contrat signé par la ou les chaines télévisées sur le championnats NBA est un contrat global, l’arrêt d’un seul joueur, même si c’est une star comme Kobe Bryant, n’a pas vraiment d’impact”, analyse Patrick Vajda. “Très sincèrement je ne sais pas non plus si pour la perte d’un seul joueur, tout Kobe Bryant qu’il est, la NBA peut se couvrir contre une perte d’audience pour les retransmissions télévisées. J’imagine le pire, une équipe entière de NBA décimée dans un accident d’avion, là une assurance de ce type aurait du sens”, rapporte de son côté le DG de Henner Sports. “Pour un joueur seul, je ne sais pas si l’on peut aujourd’hui réellement chiffrer l’impact d’une blessure. D’autant que cette année, les résultats des Lakers sont mauvais et on est même pas sûrs qu’ils soient en Playoffs”, conclut Didier Loiseau.
NBA et championnat européen
Tout à fait atypique dans son fonctionnement, le championnat de basket américain est tout aussi hors norme en matière d’assurance des joueurs. Une particularité qui n’est pas sans poser quelques problèmes aux joueurs tricolores qui évoluent en NBA.
“Le système est différent de ce qui se fait en Europe. Le contrat d’assurance indemnise le club sur la base des matchs de la saison régulière, soit 82 matchs d’Octobre à Avril (hors Playoffs). Quand un joueur perçoit une rémunération en NBA, cette dernière est versée sur ces 6 mois de saison régulière. L’assureur va diviser la rémunération annuelle par le nombre de matchs de la saison régulière pour déterminer le montant indemnisé par match manqué”, indique Didier Loiseau, “Puis l’indemnisation de l’assureur sera calculée au nombre de matchs de saison régulière manqués. Par exemple, si un joueur touche 8,2M de dollars de rémunération annuelle, le club est couvert à hauteur de 100.000 dollars par matchs manqués”.
“Il est là aussi vraisemblable que les assureurs qui portent le risque ont des besoins de capitaux très élevés pour couvrir la NBA. Il y a soit ce qu’on appelle un montage en ligne pour lequel plusieurs assureurs vont se succéder en fonction des sommes engagées (un assureur porte le risque pour une indemnisation entre 0 et 100M d’euros, un autre porte le risque de 100 à 150M, etc…), ou alors un montage en co-assurance”, ajoute Patrick Vajda. “Dans ce dernier cas, plusieurs assureurs prennent une partie (plus ou moins grande) de la somme du risque que représente la NBA et l’assureur qui porte la plus grosse part de ce risque est désigné comme apériteur et gère le contrat”.
“L’assureur de la NBA a une autre particularité, il peut fixer à chaque début de saison une clause d’exclusion spécifique pour 14 joueurs au maximum, c’est-à-dire ne pas les couvrir en totalité en excluant telle pathologie ou telle conséquence d’une blessure antérieure : une sorte de « blacklist » qui limite l’engagement des assureurs. C’est ce risque qui avait couté très cher* à la FFBB (Fédération Française de Basketball) pour qu’en 2007 Boris Diaw puisse participer à l’euro de Basket avec équipe de France. Les Phoenix Suns, club de Boris Diaw à l’époque, avait imposé à la FFBB de souscrire un contrat d’assurance pour racheter l’exclusion notifiée par les assureurs de la NBA à compter de la saison 2007/2008 pour ce joueur”, conclut Didier Loiseau.
*(ndlr : environ 500.000 euros)