Crash de l’Airbus A320: au-delà du deuil, la bataille juridique pour les familles des victimes
Lorsqu’elles auront commencé à surmonter le choc de la perte de proches, les familles des victimes du crash de l’A320 de Germanwings devront lancer une bataille juridique pour obtenir des compensations, explique à l’AFP l’avocat américain Steve Marks, spécialisé dans les catastrophes aériennes.
Cet avocat a assisté les familles des victimes de presque toutes les principales catastrophes aériennes des trente dernières années, dont l’appareil malaisien abattu au-dessus de l’Ukraine l’an dernier et l’avion d’Air France qui s’est abîmé dans l’Atlantique en 2009.
– Quelle est la première étape pour les familles?
“A ce stade, les gens tentent de se soutenir, d’obtenir un soutien affectif, mais ils devront plus tard commencer à remettre de l’ordre dans leur vie. Beaucoup de familles n’ont pas d’économies et ont des difficultés, surtout si elles ont perdu leur principal soutien. Si la compagnie se comporte comme il faut et se conforme aux règles européennes, cela rendra les choses plus faciles. Sinon, les familles devront avoir recours à un conseiller juridique, et elles prennent souvent de mauvaises décisions car elles sont sous l’emprise de l’émotion. Malheureusement, il y a beaucoup de +chasseurs+ qui harcèlent les victimes dès le début“, déplore l’avocat en allusion à des cabinets d’avocats opportunistes.
– Est-ce que les familles se sentent coupables de fixer un prix à la mort de leurs proches ?
“Les familles sont poussées par la colère et veulent un châtiment. Des êtres qui leur sont chers ont été tués, et elles veulent en priorité demander des comptes à ceux qui sont responsables de leur mort, c’est très naturel (…) En général, dans le cas d’un crash d’une compagnie d’aviation européenne, les compensations varient entre quelques centaines de milliers (de dollars) et peuvent atteindre plusieurs millions, selon la situation de la famille“.
– Qui est responsable d’un tel accident?
“A moins de prouver qu’elles sont totalement exemptées de toute faute, les compagnies aériennes font face à une responsabilité financière illimitée. Les constructeurs aéronautiques peuvent aussi être tenus pour responsables“.
Il donne l’exemple du crash en décembre 1997 d’un avion de Silk Air qui effectuait la liaison entre l’Indonésie et Singapour. Boeing a d’abord imputé le crash à une erreur du pilote mais un tribunal de Los Angeles a ensuite estimé qu’il y a avait un défaut dans une petite pièce du gouvernail. Une première famille a obtenu une compensation de 45 millions de dollars, et 40 autres familles l’ont suivie. Boeing a dû remplacer cette pièce dans chaque Boeing 737, ce qui coûté à l’industrie quelque 4 milliards de dollars.
Obtenir un résultat peut prendre beaucoup de temps. Ainsi, cet avocat vient de fermer le dossier du cas d’un appareil de la compagnie russe Bashkirian Airlines, qui avait heurté en plein vol un avion cargo de DHL, au-dessus de l’Allemagne en juillet 2002, obtenant une indemnisation de trois millions de dollars pour chaque famille.
– Les compagnies aériennes peuvent-elles être exonérées de toute responsabilité?
“Il est difficile d’imaginer une situation où la compagnie aérienne serait totalement exonérée de toute responsabilité, je n’ai jamais vu ça. Même dans le cas de l’affaire Lockerbie (1988), quand un terroriste a fait sauter l’avion, le tribunal a trouvé que la compagnie Pan Am avait été “volontairement coupable” en ne fouillant pas les bagages. Et même dans le cas du MH370 en 2014 – abattu par les forces pro-russes ou ukrainiennes – la compagnie était fautive car elle avait choisi de survoler l’Ukraine alors que toutes les autres compagnies aériennes avaient dévié leur route. La bonne nouvelle dans le cas du crash de cette semaine est que Lufthansa et les compagnies d’assurances sont considérées comme les plus responsables dans le monde“.
Mais il souligne que l’Allemagne est selon lui “un cadre terrible” pour une telle procédure et que “la France n’est pas beaucoup mieux“, les règles de compensation étant notamment plus sévères à l’encontre des plaignants. “Si c’est possible, les familles devraient tenter de lancer la procédure légale en Espagne“, conseille-t-il.