En cinq ans, les vols agricoles ont augmenté de 60%
Excédés par l’augmentation des vols agricoles trop rarement indemnisés par les assurances, les agriculteurs s’organisent et enchaînent les rondes de nuit. Dissuader les voleurs de s’aventurer sur leur exploitation est devenu leur nouveau cheval de bataille.
Selon l‘Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) les vols agricoles sont de plus en plus organisés. “Les vols agricoles est un sujet qui existe depuis longtemps, seulement aujourd’hui, il prend une ampleur différente, plus organisée, en plus grandes quantités. Le problème c’est qu’il est très difficile pour les agriculteurs de prouver les vols en plein champs. Ils se font donc rarement indemniser“, nous confie-t-on dans une chambre de l’agriculture départementale.
Selon l’ONDRP, les vols sur des exploitations agricoles en France ont augmenté de près de 60% entre 2007 et 2012 en zone gendarmerie. Un nouveau record devrait même être établi cette année avec une augmentation de 13,3% pour la seule période d’octobre 2012 et septembre 2013. Le nombre annuel de vols agricoles constatés a plus que doublé en Lorraine, Bretagne et Bourgogne de 2007 à 2012, et a explosé de près de 90% dans le Languedoc-Roussillon, en Franche-Comté et en Haute-Normandie, toujours selon l’ONDRP.
Les chiffres opaques des assureurs
Or du côté des assureurs, Groupama (le premier assureur agricole en France) n’a pas souhaité communiquer sur le sujet malgré nos demandes.
Cécile Thomas-Lemaitre Responsable du marché agricole chez Pacifica (Crédit Agricole Assurances), en revanche n’a pas constaté une recrudescence majeure de déclarations de sinistres vol. De fait “nous constatons que 2012 et 2013 présentent un nombre de sinistres déclarés stables.” indique-t-elle. “Le montant des indemnités augmente quant à lui légèrement, mais il reste cohérent par rapport à l’inflation. Pour le Languedoc Roussillon par exemple, le nombre de déclarations de sinistres que nous avons enregistré n’évolue pas, il reste stable“.
Pour le seul Languedoc Roussillon, l’ONDRP enregistre une hausse de 90% des vols agricoles entre 2007 et 2012. L’institut a également noté une augmentation de la valeur des vols. L’ONDRP base ses chiffres sur le nombre de dépôts de plaintes auprès des services de gendarmerie et de police. Ainsi comment se fait-il que ce pic de vols n’ait eu aucun impact sur les assureurs ? Par ailleurs si l’ONDRP constate la mise en place de réseaux de trafics grande ampleur, comment se fait-il que le montant des indemnisations pour les vols agricoles ne dépasse pas le chiffres de l’inflation ?
Même si cela n’explique pas l’absence d’évolution des déclarations de sinistres, il faut malgré tout noter que seuls 30% des agriculteurs français sont assurés. Par ailleurs, ces chiffres de vols dits “simples” ne prennent pas en compte les détournements de tracteurs et autres véhicules ou de carburant, ni les cambriolages par effraction dans les bâtiments, répertoriés dans d’autres catégories, sans précision de l’activité professionnelle des victimes.
Un dialogue nécessaire avec les forces de l’ordre
Entre vols de plusieurs tonnes d’aulx dans le Vaucluse, vendanges sauvages, et tentatives de vols de centaines de bêtes, certains agriculteurs n’hésitent plus à s’armer pendant les rondes.
“Je comprend que mes collègues soient excédés, mais ce n’est pas à nous de nous faire justice. Nous appelons nos collègues au calme et leur demandons de faire appel aux forces de l’ordre”, indique le président des jeunes agriculteurs de Côte d’Or, Aurélien Viellard. “Un jour ça fera un drame… Nous considérons que l’Etat se doit de protéger les citoyens.” déclare d’ailleurs Dominique Barreau, secrétaire général de la Fédération Nationale des Syndicats Agricoles (FNSEA).
Des réseaux organisés
La FNSEA a d’ailleurs établi un dialogue avec les services de gendarmerie pour éviter les dérapages. En 2010, un agriculteur avait abattu un voleur de truffes dans la Drôme. Il attend aujourd’hui son procès. “Aujourd’hui, nous sommes au delà du vol de petit matériel. Nous sentons une réelle évolution. Des réseaux de trafics s’organisent et ils alimentent des marchés parallèles en pillant littéralement les agriculteurs. Nous interpellons les pouvoirs publiques, et dénonçons le problème.” déclare Dominique Barreau, secrétaire général de la FNSEA. Selon le représentant de la fédération, ces vols ne sont pas sans conséquence sur les agriculteurs “les temps sont durs, ces vols sont une nouvelle façon de les achever. Puis il est difficile de prouver qu’il manque 2 tonnes de pommes dans un verger. Or ces 2 tonnes font parfois la différence.“
Après le dialogue avec les forces de l’ordre et notamment de gendarmerie, la FNSEA espère pouvoir engager le dialogue avec les compagnies d’assurances afin d’établir des diagnostics de risques pour les fermes les plus exposées. “A partir de ces diagnostics, nous souhaiterions travailler avec les assureurs sur les protocoles de protection des fermes, afin de limiter l’exposition et de faire baisser le risque.” ??