Grève des intermittents : les assureurs refusent de couvrir les festivals
Depuis le 2 juin et le début de la grève des intermittents, les assureurs ont revu les contrats et ne couvrent plus une annulation provoquée par une grève.
Les intermittents du spectacle manifestaient, lundi 16 juin, dans les principales villes de France contre l’accord du 22 mars sur l’assurance chômage. Plusieurs spectacles ont déjà été annulés à cause des grèves qui menacent la saison des festival de l’été comme se fut le cas en 2003. “Il ne s’agit pas de bloquer les festivals, la grève est votée sur place par les artistes et les techniciens. Mais c’est vrai qu’on est prêt à aller au clash si on n’écoute pas nos propositions“, affirmait hier le secrétaire général de la CGT-Spectacle, Denis Gravouil, cité par le Monde.
La situation pourrait donc se gâter cet été pour les organisateurs de festival. Les retardataires qui n’ont pas souscrit une assurance à temps contre le risque d’une annulation due à une grève, vont devoir passer à la caisse.
En effet, depuis le départ de la grève au début du mois de juin, les assureurs ont revu les conditions générales des contrats. Le cas d’une grève des intermittents qui empêcherait la tenue d’une représentation figure désormais partout parmi les exclusions de garantie.
La grève des intermittents : exclusion de garantie
Depuis la grande grève des intermittents de 2003, les assureurs sont restés très frileux pour couvrir ce risque et ont maintenant fermé toutes les portes depuis le 2 juin.
“Les assureurs couvrent des aléas. A partir du moment où le risque d’annulation est bien connu et a son origine avant la date de souscription du contrat, ils excluent de couvrir. D’ailleurs, ils regarderont de très près si l’assuré avait connaissance ou non du fait générateur de l’annulation (c’est à dire le dépôt du préavis de grève) au moment de souscrire son contrat, pour refuser leur indemnisation“, souligne Romain Frobert, président fondateur d’Ovatio courtage, cabinet qui couvre 64% du marché de la billetterie en France avec notamment des festivals tels que Rock en Seine ou encore le dernier concert des Rolling Stones à Paris.
Or, en cas d’annulation, l’organisateur aura l’obligation de rembourser la billetterie mais aussi perdra ses frais engagés. Sans assurance, la situation est donc périlleuse. C’est le cas par exemple au festival Jazz à Vienne qui accueille 175.000 personnes du 27 juin au 12 juillet. Pour l’organisateur, Stéphane Kochoyan, une annulation serait terrible, synonyme de “banqueroute“.
“Avec un budget de 5,2 millions d’euros, le festival est autofinancé à hauteur de 83%, avec 55% des recettes venant de la billetterie, 22% du mécénat, de la location d’espace, de la buvette et produits dérivés, et 17% des subventions publiques. En cas d’annulation, je ne pourrais payer personne. Il n’y aurait pas de prochaine édition“, explique Stéphane Kochoyan.
Le festival s’est couvert, pour une prime de 25.000 euros, pour ses deux principaux risques : les annulations liées aux intempéries et à celles d’un artiste. Ses organisateurs n’avaient pas trouvé d’assurance contre le risque d’une grève. Au-delà de l’enjeu financier, une annulation est un crève-cœur pour Stéphane Kochoyan qui se sent pourtant très proche de la cause des intermittents.
Des courtiers offrent des solutions
La question de l’assurance n’est pas franchement centrale pour les organisateurs. Un festival reste une aventure humaine où les aléas sont nombreux et impondérables. La programmation finale des artistes se fait souvent au dernier moment.
“Hélas beaucoup d’organisateurs des festivals de juillet et août s’assurent 3 à 4 semaines seulement à l’avance. Sauf pour les festivals à gros budget qui prennent leurs dispositions un an à l’avance“, précise Yves-Alain Legrand, courtier spécialisé dans les spectacles et concerts et qui travaille notamment avec les Francofolies.
Ainsi, beaucoup d’organisateurs ne s’assurent pas contre ces risques d’annulation qui restent assez difficiles à obtenir auprès des assureurs. Le courtier pouvait proposer, avant que les assureurs changent radicalement de fusil d’épaule, des garanties couvrant les cas de forces majeures (grève extérieure, retrait d’autorisation, épidémie, …), traditionnellement exclus.
Du côté du cabinet Ovatio, le courtier indique disposer d’assez des capacités financières pour pouvoir offrir à ses clients des rachats de garanties (annulations à cause des intempéries, d’une grève extérieure, d’une épidémie de H1N1 par exemple) par dérogations aux contrats d’assurance.
Des couvertures optionnelles rares qui restent donc chères. Une grève prolongée des intermittents laisserait les festivals aux équilibres fragiles et rarement assurés, avec peu de moyens pour s’en sortir cet été.