Les assureurs paieront-ils plus de 150 millions d’euros pour l’Hôtel Lambert ?
Ravagé par les flammes dans le 10 juillet, l’Hôtel Lambert a subi des dégâts irréversibles. Côté indemnisations, l’Etat n’interviendra pas. Seuls les assureurs permettront de couvrir la reconstruction du bâtiment qui pourrait atteindre plusieurs centaines de millions d’euros.
Après l’incendie, qui s’est déclaré dans la toiture de l’Hôtel Lambert à Paris, dans la nuit du 9 au 10 juillet dernier, la question des indemnisations reste posée, en raison notamment du caractère exceptionnel du lieu. Le feu a détruit l’ensemble de la charpente de l’édifice, et les peintures du Cabinet des bains, réalisées sur place par Eustache Le Sueur au XVIIe siècle, ont été endommagées selon la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti.
L’assurance particulière des bâtiments classés
Côté assurances, la particularité de ce bâtiment, classé au patrimoine historique, rend le système d’indemnisation singulier. “Le propriétaire n’est pas obligé de s’assurer, par contre lorsque son bâtiment est inscrit ou classé, il a une obligation de reconstruction et de restitution à l’identique”, explique Diana des Moutis, Directeur de Gras Savoye Patrimoine, filiale spécialisée du premier courtier en assurances français.
“Il n’y a plus que deux assureurs (ndlr : Axa et Hiscox) qui intègrent dans leurs contrats la clause de reconstitution à l’identique en France”, ajoute cette dernière avant de poursuivre que “dans les contrats dédiés aux monuments historiques on a une enveloppe permettant cette reconstitution, pouvant atteindre plusieurs dizaines de millions d’euros. Pour reconstituer l’Hôtel Lambert, on parle facilement de 150M d’euros, décors historiques inclus”.
De nombreuses œuvres d’art se trouvant à l’intérieur de l’hôtel particulier ont elles aussi été touchées, notamment par les flammes, les fumées mais aussi l’eau utilisée par les pompiers. Ces derniers assurent avoir pris toutes les précautions pour préserver au maximum les lieux. Depuis la fin de l’incendie, des spécialistes du patrimoine sont sur place pour chiffrer l’ampleur des dégâts jugés “irréversibles”. Une enquête est ouverte pour déterminer l’origine du sinistre.
Une rénovation à haut risque
Heureusement vide et en pleine rénovation, l’hôtel Lambert avait été racheté 60M d’euros au baron Guy de Rothschild, par la famille de l’émir du Qatar en juillet 2007. Datant de 1639 et situé sur l’île Saint-Louis à Paris, le bâtiment était l’un des joyaux du patrimoine français. “Un hôtel particulier absolument exceptionnel”, d’après Bertrand Delanoë, le Maire de la capitale.
“Pour nous, courtiers et assureurs, le fait qu’il y ait des travaux longs est un facteur aggravant considérable”, ajoute Diana des Moutis. “Certains contrats haut de gamme exigent la mise en place de moyens de prévention comme des détecteurs de fumée ou des extincteurs qui doivent être placés dans les combles ou les tableaux électriques par exemple”, note Nadine Masset, Directeur Clientèle Privée chez le courtier en assurances Aon. “Cela doit être inscrit dans le contrat d’assurance et en cas de manquement à ces règles lors d’un incendie, il peut y avoir des franchises, réductions d’indemnités ou même un refus d’indemnisation de la part de la compagnie d’assurance”, conclut cette dernière.
L’Etat n’interviendra pas dans les indemnisations
“C’est un immeuble privé et les propriétaires n’ont pas fait de demande de subventions auprès de l’Etat lors des travaux de rénovation. L’état n’interviendra donc pas financièrement dans la reconstruction”, explique Jean-Michel Loyer-Hascoët, sous-directeur des monuments historiques à la direction générale des patrimoines du ministère de la Culture et de la Communication. “Toutefois, comme tout monument classé, il faut pour le restaurer une autorisation du ministère de la Culture, et il y aura bien évidement un contrôle scientifique et un suivi de la part de l’Etat, de la direction générale du patrimoine et de nombreux experts”.
Selon le ministère de la culture, les propriétaires qataris, auraient investi 47M d’euros pour rénover l’hôtel avant le sinistre. Selon le journal Le Monde, ces derniers ont fait savoir qu’ils mettraient tout en œuvre “pour permettre à l’hôtel de retrouver sa splendeur et son faste, même si certaines pertes ne seront jamais remplacées”.