Otages / Niger : Areva était-il assuré pour le versement d’une rançon ?
Alors que les quatre ex-otages du Niger viennent d’arriver sur le sol Français, les questions autour d’une éventuelle rançon versée par Areva se précisent. Le groupe nucléaire français était-il assuré face à une demande de rançon ?
Enlevés mi-septembre 2010 dans la ville d’Arlit au Niger, Thierry Dol, Daniel Larribe, Pierre Legrand et Marc Féret ont été libérés hier au nord du Mali. De retour en France ce matin, les quatre ex-otages, employés de la société Areva, sont arrivés “fatigués” mais “en bonne forme”, selon le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius.
Si le gouvernement français réfute le paiement d’une rançon dans cette affaire, tous les spécialistes s’accordent à penser qu’une conséquente somme d’argent a bien été versée en contrepartie de la libération des otages. Selon le journal Le Monde qui cite une source française connaissant les détails de cette opération, des membres de la DGSE auraient remis aux ravisseurs une “contrepartie” à la libération des otages, “plus d’une vingtaine de millions d’euros”. Toujours selon les informations du quotidien, “l’argent a été prélevé sur les fonds secrets alloués aux services de renseignement”.
Selon Le Parisien cette fois-ci, c’est Areva qui aurait indiqué au gouvernement français son intention de payer pour obtenir la libération de ses quatre salariés. Le groupe nucléaire français, aidé de Vinci, aurait d’ailleurs déjà payé une rançon de près de 13M d’euros en 2011 pour libérer 3 autres otages à Arlit, dont la française Françoise Larribe, précise le quotidien.
Assurance “kidnapping et rançon”
La plupart des entreprises qui travaillent à l’étranger ont aujourd’hui la possibilité de se couvrir contre les prises d’otage et les extorsions de fonds pratiquées sur leurs expatriés. Certaines compagnies d’assurances spécialisées proposent ainsi des contrats appelés “Kidnapping & Rançon” (ou “Kidnap & Ransom”). “Cela fait maintenant quelques années que les grands groupes industriels se couvrent grâce à des produits d’assurance « Kidnap & Ransom », mais pas uniquement pour des pays à risques politiques comme l’Afrique”, explique Frédéric Lucas, directeur développement pour les grands comptes chez le courtier en assurances Gras Savoye. “Finalement les kidnappings politiques sont assez faibles. Il s’agit très souvent d’enlèvements visant à obtenir de l’argent, parfois même pour de faibles sommes”.
“Les garanties « Kidnap & Ransom » servent d’abord à épauler l’entreprise pour trouver les réseaux ou les bonnes structures à contacter afin de perdre le moins de temps possible après un enlèvement”, précise ce dernier. “Dans un premier temps, ces garanties vont servir à indemniser tous les frais inhérents à la prise de contact, la mise en place d’une gestion de crise et la mobilisation de frais humains”.
“Cette garantie permet ensuite le remboursement. Et non le paiement d’une rançon”, ajoute Isabelle Barse, chargée de compte chez Gras Savoye. “Il y a un process à respecter et le remboursement intervient lorsque la preuve du paiement a été fournie, sous forme de photos généralement. Le coût de la prime d’assurance va varier selon l’exposition et les mesures de sécurité adoptées par l’entreprise. Son appréciation du risque et les mesures de prévention qu’elle prend vont évidemment jouer sur la prime”, indique-t-elle.
“Certaines grandes société pétrolières ou minières sont habituées à ce genre de mesures préventives pour leurs salariés, mais certaines structures plus petites n’ont pas forcément les bons réflexes, notamment face à des risques mafieux. Le problème c’est que plus le kidnapping est long, plus le risque pour le salarié est grand”, conclut Frédéric Lucas.
Un précédent en 2011
En 2011, alors couverte par la compagnie d’assurance Hiscox, Areva avait déjà tenté de faire libérer ses quatre otages, mais l’assureur avait alors menacé de dénoncer son contrat avec le groupe nucléaire, indiquant que le versement d’une rançon reviendrait à financer le terrorisme. Comme le révélait le journal Le Monde à l’époque, Hiscox avait renégocié à la hausse les termes du contrat avec Areva quelques mois après la prise d’otage et les nouvelles conditions engageaient l’assureur à indemniser le groupe industriel à hauteur “d’une vingtaine de millions d’euros pour une éventuelle rançon”. Contacté par News Assurances, Hiscox n’a pas souhaité faire de commentaire.
Si les cas d’enlèvements, de prises d’otages et de versements de rançons restent aujourd’hui sensibles, il en est de même pour les produits d’assurance autour de ces risques. En effet, contactés par notre rédaction, la plupart des assureurs ou des courtiers spécialisés n’ont pas souhaité s’exprimer sur le sujet, prétextant un contexte politique délicat. Pourtant, la commercialisation des garanties « Kidnap & Ransom » n’a jamais été aussi florissante (1.000 entreprises couvertes en France en 2008, environ 5.000 aujourd’hui selon nos estimations). Quand on sait que le chiffre d’affaires de l’industrie de l’enlèvement criminel dans le monde est estimé à 500M de dollars et que près de 500.000 entreprises sont des cibles potentielles, le marché n’est pas près de s’essouffler.