Sport : Pourquoi les basketteurs de l’équipe de France peinent-ils à s’assurer ?
Souvent pénalisés par des questions d’assurance, certains joueurs évoluant en NBA ont de plus en plus de mal à participer à des compétitions internationales. Pourquoi la ligue américaine de basket est-elle si tatillonne pour laisser évoluer les joueurs en équipe nationale et comment ces derniers doivent-ils être couverts pour porter les couleurs de l’équipe de France ?
Assuré in extremis grâce à la signature d’un nouveau contrat dans son club de Portland (voir notre article sur le sujet), Nicolas Batum, l’ailier de l’équipe de France de basket, aura galéré plusieurs semaines avant de pouvoir terminer sa préparation pour les Jeux Olympiques de Londres.
Car comme beaucoup de joueurs tricolores, Nicolas Batum fait partie des privilégiés qui évoluent en NBA (National Basket Association), la prestigieuse et spectaculaire ligue américaine de basket. Et là-bas on ne plaisante pas avec les contrats d’assurance.
« Le contrat de travail que les joueurs signent pour jouer en NBA leur interdit de jouer dans toute autre équipe que la leur : que ce soit une équipe nationale, un match amical ou un match de bienfaisance. Ils n’ont pas le droit de jouer au basket ailleurs que dans la ligue » explique Didier Loiseau, directeur de Henner Sports, en charge du programme d’assurances de la fédération française notamment. « Au titre du droit américain, c’est considéré comme une faute grave qui pourrait entrainer la rupture du contrat unilatérale par l’employeur et de ce fait, les contrats d’assurances NBA ne couvrent pas le joueur si celui-ci joue avec son équipe nationale », développe-t-il ensuite. « Leur participation aux compétitions internationales (Championnat d’Europe, du Monde et Jeux Olympiques) est alors négociée avec la NBA qui va donner son accord et fixer les conditions d’assurances des joueurs sous contrats ».
Quelle couverture pour évoluer en équipe de France
Pour jouer avec la sélection de son pays, chaque joueur doit donc obtenir deux choses : L’autorisation de son club et celle de la NBA, ainsi que des garanties d’assurances supplémentaires que la fédération s’engage à couvrir.
Suivant les joueurs, deux cas de figurent se présentent :
– Soit le basketteur est sous contrat (comme Tony Parker ou Kévin Séraphin avant la compétition) et la NBA fixe les garanties d’assurance complémentaires à souscrire par la FFBB dont le est coût très peu élevé au regard des contrats astronomiques des joueurs de ce calibre. « Il s’agit en quelque sorte d’une facture à payer à la franchise (l’équipe NBA) de chaque joueur au prorata du temps qu’il passe sur le terrain », explique-t-on à la fédération française de basketball.
– Soit le basketteur n’est plus sous contrat au 30 juin, il est alors appelé « Free Agent » ou « Restricted Free Agent » (comme Nicolas Batum, Boris Diaw, ou Ronny Turiaf avant la compétition). Dans ce cas, la fédération doit monter un programme d’assurances qui vise à le couvrir sur un potentiel nouveau contrat avec un club, mais également en cas de blessure entraînant une incapacité temporaire ou une incapacité définitive. Et c’est ce dernier cas qui pose beaucoup de problème et coûte très cher à chaque fédération.
« Pour les joueurs Free Agent, nous sommes obligés de couvrir des montants qui sont, d’une part, énormes, et, d’autre part, hypothétiques car représentant la perte d’un contrat potentiel, d’où les difficultés dans les négociations », poursuit ensuite Didier Loiseau. « En NBA, il existe des échelles, qui, en fonction des statistiques d’un joueur, permettent d’établir sa valeur en dollars et il y a peu de variations entre la fourchette basse et la fourchette haute. Ensuite, il y a des conjonctures qui font que tel type de joueur libre au bon moment va valoir plus cher. »
« Il s’agit d’une somme très conséquente qui représente une très grande part dans l’envergure financière de la fédération », explique-t-on à la FFBB. « Il nous est déjà arrivé de demander à nos partenaires et sponsors de faire un geste supplémentaire afin de pouvoir supporter cette lourde charge. » Dans son budget prévisionnel 2012, cette dernière à d’ailleurs prévu 1,9M d’euros de charges dans lesquelles font partie les assurances des joueurs NBA. Une somme très élevée quand on sait que le budget global annuel de la fédération est d’environ 22M d’euros pour 2012.
Contrats NBA, un modèle complexe
Un contrat d’assurance NBA couvre le salaire du joueur sur les 82 matchs de la saison régulière (de fin octobre à fin avril). Un joueur qui touche 8,2M de dollars par saison sera par exemple couvert à hauteur de 100.000 dollars par match.
Les contrats NBA couvrent les joueurs uniquement pour de l’incapacité temporaire et la perte de licence (PTD pour Permanent Total Disability ), c’est à dire l’inaptitude professionnelle définitive à la pratique du métier de basketteur. Ce sont des contrats « toute cause », accident / maladie, couvrant le joueur dans la vie privée comme dans la vie professionnelle.
Les montages de contrat d’assurance aux USA sont très différents par rapport à l’Europe. Par exemple, la NBA est une personne morale, elle souscrit le contrat d’assurance pour l’ensemble de toutes les franchises (équipes) qui payent ensuite au prorata de leur masse salariale. Il n’y a aucune sélection médicale et la NBA a le droit chaque année de « blacklister » 14 joueurs pour lesquels peuvent figurer des exclusions en fonction de blessures antérieures.
Le joueur signe un contrat « No Cut » : c’est à dire qu’une fois le contrat signé, le club à l’obligation de payer l’intégralité du salaire prévu au contrat jusqu’au dernier dollars en cas de survenance d’une incapacité. Par exemple, sur un contrat de 5 ans, si le joueur se blesse au bout de 6 mois, le club va verser à l’athlète son salaire pour le nombre de matchs qu’il ne joue pas et sera ensuite indemnisé par l’assurance. Enfin, la convention collective des joueurs NBA leur permet de bénéficier d’une assurance perte de profession supplémentaire qui les indemnise à hauteur de 500.000 dollars.
« Dans tous les critères qui entrent en compte dans le calcul d’une prime d’assurance, l’âge et le montant du contrat sont les plus importants », explique Didier Loiseau. « Entre un joueur qui a 20 ans et un joueur de 30 ans, le tarif peut varier du simple au double car on ne couvre pas que la notion accidentelle mais également la notion d’usure physique », poursuit-il. « Selon certaines estimations, il n’est pas rare d’avoir des budgets d’assurances compris entre 3 et 10M de dollars à l’année pour un club NBA », affirme M. Loiseau.
Empêcher les joueurs NBA d’évoluer en équipe nationale ?
« Aujourd’hui, les propriétaires de clubs américains ne veulent quasiment plus que leurs joueurs participent au Jeux Olympiques et veulent modifier les règles à l’avenir, en demandant que l’équipe nationale américaine ne soit plus constituée que de joueurs au plus âgés de 23 ans (Avant 1992 et la Dream Team, c’était une équipe universitaire qui représentait les USA) pour ne plus prêter leurs joueurs majeurs et leur éviter des blessures », explique Didier Loiseau. « La complexité des assurances est un facteur qui arrange bien la NBA et toutes les difficultés autour des joueurs sont faites pour épurer quelques sportifs », conclut-il.