Intempéries: entretien avec Jean-Michel Soubeyroux, climatologue de Météo France
Les intempéries dans le sud de la France sont sans rapport avec le changement climatique mais sont caractéristiques du climat méditerranéen avec, cette année, une fréquence record, selon le climatologue de Météo-France Jean-Michel Soubeyroux.
Comment expliquer l’intensité des intempéries qui viennent de frapper le sud de la France?
Ce type d’épisode est relativement classique. Sur les Pyrénées-Orientales et l’Aude, on a eu un cumul sur deux ou trois jours de l’ordre de 150 à 200 millimètres, localement plus de 250 millimètres. Ce sont des valeurs qui seraient énormes dans n’importe quelle région de France, sauf sur les régions méditerranéennes où ce sont des choses que l’on retrouve assez régulièrement. Ça fait partie du climat méditerranéen. Ce sont des masses d’air qui remontent du Sud. Ce qui explique l’intensité de ces phénomènes, c’est que ces masses sont très chargées en humidité, parce qu’elles sont chaudes, et qu’elles vont ensuite heurter le relief. Ça amène des précipitations intenses et durables. Ce n’est pas comme les perturbations sur le nord de la France ou en Bretagne, qui passent très vite. Quand on enlève le relief, on n’a plus du tout la même intensité. L’intensité de ces événements est relativement bien connue, en tout cas, elle est ancienne. L’événement majeur de précipitations sur la France, le plus fort enregistré au XXe siècle, s’est produit en octobre 1940 sur les Pyrénées-Orientales. C’était de l’ordre de 1.000 mm en 24 heures, au moins quatre fois plus fort que ce qu’on a observé ce week-end.
Faut-il s’attendre à voir ces épisodes se répéter de plus en plus souvent ?
Concernant le nombre d’épisodes, on n’a pas aujourd’hui d’informations qui prouveraient une évolution et, quand on regarde dans le passé, on n’a pas de tendance à la hausse de ce nombre d’événements, c’est stable. On peut avoir plusieurs années de suite des événements intenses. En 1999, 2002, 2003 par exemple, on a eu une succession d’années avec beaucoup d’épisodes, et beaucoup d’épisodes sévères. Et puis après, au contraire, en 2011, 2012, 2013, on n’a pas eu grand-chose. Le nombre d’épisodes ne devrait pas évoluer à l’avenir et sera toujours marqué par une très forte variabilité d’une année à l’autre. Cette année, on est à un nombre record d’événements, mais en 2012, on en avait eu zéro et en 2013, pratiquement pas non plus. C’est cette différence d’une année à l’autre qui reste aujourd’hui le plus important dans l’analyse de la répétition de ces événements. Et ça, il y a fort à parier que dans le climat futur, ça ne changera pas.
Peut-on établir un lien entre ces intempéries et le changement climatique ?
Le fait qu’on ait beaucoup d’intempéries cette année, ce n’est pas le signe du changement climatique. Pour l’instant, il faut être prudent. Autant la hausse des températures, c’est indéniablement le changement climatique, il n’y a pas de doute – on est parti sur l’année 2014 qui sera dans le top 3 des années les plus chaudes -. Autant concernant les intempéries, on est prudent. Pour l’instant, on n’observe pas de lien, en termes de nombre d’épisodes. La discussion qu’il peut y avoir, c’est de savoir si leur intensité augmente. La question que se posent les climatologues, c’est plutôt celle-là que celle du nombre. Dans un climat plus chaud, il n’est pas exclu que les précipitations extrêmes soient plus intenses. C’est une question qui est assez ouverte. On aurait tendance à penser plutôt oui, mais aujourd’hui, on n’est pas capable de démontrer que ça se produit réellement.