Grippe H1N1 : vous avez peut ête été infecté par le virus sans le savoir
Des millions de personnes pourraient avoir été infectées par le virus de la grippe H1N1 en présentant peu ou pas de symptômes, selon une étude réalisée par l’Unité des virus émergents (UVE) de l’université Aix-Marseille.
Cette étude, publiée cette semaine dans la revue américaine en ligne “PLoS Currents : influenza” et reprise mardi dans Le Figaro, a été conduite par une équipe menée par le directeur de l’UVE, le virologue Xavier de Lamballerie, sous l’égide de l’Ecole des hautes études en santé publique que dirige l’épidémiologiste Antoine Flahault.
Les chercheurs ont étudié l’état sérologique d’environ un millier de femmes enceintes non vaccinées contre la grippe H1N1, sur l’ensemble du territoire français, lors de leur bilan initial de grossesse. Ils ont pu ainsi établir que 10,6% présentaient des anticorps témoignant d’une infection par le virus.
En admettant que le taux d’infection soit le même pour les 16,2 millions de femmes et hommes de 20 à 39 ans de France métropolitaine, 1.712.000 personnes pourraient avoir été infectés récemment par le virus. Soit cinq fois plus que le nombre estimé des personnes de cet âge ayant rendu visite à leur médecin avec des symptômes de grippe clinique.
Selon le réseau Sentinelles, qui tient compte des gens souffrant de fièvres supérieures à 39° avec signes respiratoires, quelque 2,7 millions de personnes de tous âges ont consulté en 15 semaines pour grippe en France. S’il y a bien cinq fois plus de personnes infectées que de personnes ayant consulté, on peut donc estimer que 13 millions de personnes auraient été atteintes par le virus, avec ou sans symptômes.
Le Pr Lamballerie veut cependant rester prudent et refuse tout “sensationnalisme”. Même s’il apparaît que “le nombre de gens qui ont été infectés par la grippe est plus élevé que ce qu’on estimait en comptant les cas”, “on ne doit pas se servir de cette étude pour faire une estimation du nombre de cas et se laisser aller à des annonces chiffrées”, a-t-il dit à l’AFP.
Selon lui, on peut surtout affirmer qu’il y a une proportion de cas asymptomatiques “inhabituellement élevée” (4 cas sur 5) et beaucoup plus importante que pour la grippe saisonnière (1 cas sur 3). “On a d’autres études en train de sortir qui confortent absolument cette donnée”, a-t-il ajouté.
Pour le Pr de Lamballerie, cela ne doit pas dissuader les gens de se faire vacciner. D’abord, “s’il y a plus de gens qui font des formes peu graves ou asymptomatiques, il y a aussi plus de gens qui font des formes graves ou très graves”, avec un nombre de gens en réanimation “extrêmement supérieur à ce qu’il est en grippe saisonnière”. En outre, il a affirmé “ne pas savoir” si les gens qui ont fait des formes asymptomatiques sont aussi bien protégés que ceux qui font des formes symptomatiques. “J’ai tendance à penser que oui, mais je ne sais pas.”
La prudence est de mise aussi pour l’Institut de veille sanitaire, qui estime que “de par les différences attendues de séroprévalence en fonction de l’âge, il n’est pas possible d’extrapoler les résultats de cette étude à la population générale”.
A tout le moins, le nombre de gens atteints par ces formes non visibles de grippe pourrait expliquer que l’épidémie régresse plus rapidement qu’on ne s’y attendait.
Paris, 29 déc 2009 (AFP)