Le projet de Loi très controversé “Hôpital, patients, santé, territoires” discuté par La CFDT, la CFTC, la CGC, la CGT, l’UNSA et la Mutualité française
La CFDT, la CFTC, la CGC, la CGT, l’UNSA et la Mutualité française font des propositions dans le cadre du débat sur le projet de Loi “Hôpital, patients, santé, territoires”.
Les organisations syndicales de salariés, la CFDT, la CFTC, la CGC, la CGT, l’UNSA et la Mutualité française ont rédigé une déclaration commune qui affirme leur désaccord avec le projet de loi actuel “Hôpital, patients, santé, territoires”.
Cette déclaration commune contient des propositions sur plusieurs aspects de ce projet de loi. Il s’agit notamment de l’accès de tous à des soins de qualité, en ville et à l’hôpital, de l’organisation des soins de premier recours, de la gouvernance du système et du rôle des différents acteurs concernés.
Les signataires entendent ainsi faire prendre en compte leurs propositions communes à l’occasion du débat parlementaire qui s’ouvrira prochainement. Ils conservent naturellement leur capacité d’expression propre sur l’ensemble du projet de loi.
CFDT – CFTC – CGC – CGT – UNSA et Mutualité française
Lors de l’examen du projet de Loi Hôpital, Patients, Santé, Territoires (HPST) par le Conseil de la CNAMTS, nous avons émis un avis défavorable sur le texte qui nous était soumis.
Nous renouvelons notre désaccord avec le projet de Loi actuel.
Nous entendons intervenir dans la discussion de ce projet en développant des propositions qui nous sont communes.
1 – L’accès à la santé
L’accès à la santé est un droit pour chaque individu dans notre société au même titre que le droit à l’éducation, au logement, à l’énergie… bref à tout ce qui est nécessaire pour vivre et se développer. Mais c’est aussi un devoir pour tous que de l’assurer à tous. Et puisque c’est à la Nation, tout entière, d’assurer cet accès à la santé, c’est à son émanation démocratique, l’Etat, qu’il revient de garantir à chaque individu, quels que soient ses moyens financiers, son lieu de résidence et son origine, l’accès à des soins de qualité dans le cadre de la solidarité nationale qui est le socle fondamental de la Sécurité sociale. L’Etat élabore, dans le cadre d’un véritable débat démocratique, en coordination avec la Sécurité sociale, en particulier l’assurance maladie, une politique nationale de santé.
La santé au travail, tout en étant un élément structurant de la santé publique, doit conserver sa spécificité d’organisation et de gestion.
Les établissements de santé
Il s’agit de développer un véritable service public de santé ancré sur la réponse aux besoins de la population. Il doit bénéficier de moyens budgétaires adaptés et d’emplois qualifiés en nombre suffisant pour assurer le bon fonctionnement des structures de santé.
L’accessibilité au système hospitalier doit donc respecter le principe d’égalité d’accès aux soins. En ce sens, la délégation des missions de service public au secteur privé lucratif ne doit pas s’étendre. Là où elle existe, elle doit être encadrée afin que les patients puissent bénéficier des tarifs opposables pour la totalité des soins.
Cette question revêt une importance particulière dans les zones géographiques où le secteur privé lucratif se retrouve en situation de monopole de l’offre de soins, notamment en ce qui concerne les activités chirurgicales. Dans tous les cas, le socle des obligations doit être strictement défini et contrôlé afin de garantir une offre de soins aux tarifs opposables, avec des délais de prise en charge compatibles avec les règles de bonne pratique.
Un dispositif de sanctions dissuasives en cas de non respect du contrat doit accompagner ce mécanisme de délégation de service public.
Les établissements de santé sans but lucratif, actuellement participant au service public hospitalier, qui respectent toutes les garanties pour les patients attachées aux missions de service public, de la même manière qu’un établissement public de santé, doivent conserver un statut spécifique.
L’accès de tous à des soins de qualité
Le projet de loi HPST, dans son titre, définit le contenu des soins de premier recours et les missions du médecin généraliste de premier recours. Pour la première fois ceux-ci sont inscrits dans le Code de la santé publique, ce qui donne une nouvelle dimension à l’enjeu que constitue l’organisation des soins ambulatoires.
Cependant le projet de loi ne favorise pas suffisamment, en l’état, une véritable réorganisation des soins de premier recours. Il ne répond ni à l’urgence, ni à l’ampleur de cette réorganisation rendue nécessaire non seulement par l’évolution de la démographie médicale, mais aussi et surtout pour des raisons sanitaires. Il s’agit notamment de la place que les maladies chroniques occupent désormais dans le recours aux soins et des exigences particulières de leur suivi, ainsi que de l’intégration réelle de la prévention aux soins. Fondamentalement, il s’agit de ne plus seulement répondre aux besoins de soins ponctuels d’un patient qui se rend dans un cabinet médical, mais de prendre en charge la santé d’une population dans le temps et sur un territoire, de contribuer ainsi à réduire les inégalités d’accès à la prévention et à des soins de qualité.
L’organisation territoriale des soins de premier recours
La liberté d’installation ne peut pas s’exercer au détriment du patient. En ce sens, l’installation des professionnels doit être encadrée.
Les mesures incitatives visant à favoriser une meilleure répartition des médecins et autres professionnels de santé sur le territoire sont utiles mais ne peuvent suffire.
Des dispositions sont nécessaires pour corriger réellement les déséquilibres en veillant à ce qu’elles s’appliquent non seulement aux professionnels qui s’installent, mais également à ceux qui sont déjà installés.
Des mesures désincitatives, pénalisantes financièrement ou conditionnant le conventionnement dans les zones surdotées doivent être mises en place.
Pour remédier aux problèmes existants, ce sont les formes d’exercice qu’il faut également faire évoluer.
L’objectif est de sortir d’un exercice isolé en favorisant systématiquement le regroupement des médecins entre eux et avec des professionnels para-médicaux, voire sociaux.
Ces équipes peuvent prendre des formes diversifiées, parmi lesquelles les maisons de santé et les centres de santé.
Les regroupements répondent à l’intérêt des usagers mais également à celui des professionnels de santé et notamment des médecins qui aspirent, de plus en plus nombreux, à travailler autrement. Ils permettent en effet de moderniser les cabinets, de mieux partager les tâches, d’assumer pleinement les missions correspondant aux soins de premier recours.
Ces regroupements doivent donc être encouragés sur tout le territoire, pas seulement là où les problèmes de démographie médicale sont les plus aigus et où les populations connaissent le plus de difficultés sociales.
Le modèle économique des soins de premier recours
Les centres de santé qui pratiquent le tiers payant et respectent les tarifs opposables méritent de voir leur rôle pleinement reconnu dans la loi. Les professionnels qui y exercent sont salariés mais les centres de santé ne représentent qu’une part très modeste de l’offre de soins. L’exercice libéral est le système prédominant. Il reste essentiellement fondé sur la rémunération à l’acte. Bien qu’elle ne soit plus exclusive, celle-ci détermine le modèle économique actuel des soins de premiers recours.
Un nouveau mode de rémunération des médecins libéraux, ou plutôt des cabinets, est indispensable car il conditionne l’exercice de certaines missions telles que la permanence des soins, le développement de la prévention, de l’éducation thérapeutique, le suivi dans le temps des maladies chroniques…
Ce nouveau mode de rémunération doit reposer notamment sur des forfaits et sur l’atteinte des objectifs de santé publique.
Cette dernière forme de rémunération doit inciter à la qualité de la pratique, et non à des économies immédiates, à une restriction des soins. Les économies doivent résulter notamment d’une meilleure prise en charge des pathologies chroniques ou de l’accès le plus large possible à la prévention.
La diversification réelle des modes de rémunération doit fonder un nouveau modèle économique des soins de premier recours favorisant l’opposabilité des tarifs.
2 – Pour quelles évolutions de la gouvernance ?
L’organisation de l’offre des soins est loin d’être optimale du fait surtout d’une approche et d’un pilotage cloisonnés entre l’hôpital, la ville et le médico-social. Cloisonnement auquel s’ajoute également l’existence d’une dualité de l’offre hospitalière, publique et privée sans les mêmes contraintes.
La Sécurité sociale a beaucoup changé dans son organisation et sa prise en charge. Avec les complémentaires, elle ne couvre plus à proprement parler un risque mais prend en charge des prestations de plus en plus complexes et finance un système d’activité économique.
Le défi de la gouvernance
Pour garantir l’accès aux soins de qualité pour tous sur tout le territoire avec une organisation efficiente par une prise en charge solidaire, trois fonctions sont déterminantes :
* Nous avons besoin d’orientations claires issues à la fois de la représentation nationale et des territoires. Cette fonction doit être de la responsabilité de l’Etat, de la puissance publique.
* Ces orientations doivent trouver les moyens de se mettre en œuvre de façon cohérente, tant au niveau national que sur les territoires, pour répondre aux principes qui fondent notre système.
* Les organisations syndicales et la mutualité, doivent obligatoirement avoir leur place dans le dispositif pour non seulement contribuer à l’élaboration des orientations stratégiques mais aussi assurer des fonctions de contrôle, de suivi et d’évaluation des politiques, dans le respect d’une démocratie sanitaire et sociale.
Enfin, il faut renforcer le rôle et les missions des conférences régionales de santé dans le cadre notamment de la définition des besoins des populations au niveau des territoires.
La mise en place d’une structure régionale doit relever d’une cohérence des politiques de santé et d’une organisation de l’activité hospitalière, ambulatoire et médico-sociale par une mise en synergie des acteurs, à un niveau qui garantit la gestion du risque par l’Assurance maladie, dans le cadre de la politique de santé publique.