Suréquipement automobile, un marché boudé par les assureurs

Les équipements de sécurité sophistiqués qui complètent maintenant les véhicules ne pèsent pas encore sur les tarifs, ni à la hausse, malgré le coût des réparations, ni à la baisse, faute de statistiques tangibles selon les assureurs.

Découvrez notre toute dernière berline suréquipée…” Ce genre de message publicitaire diffusé en boucle est aujourd’hui devenu monnaie courante. Désormais, les constructeurs automobiles mettent le paquet sur l’équipement de leurs voitures neuves dans un contexte de marché en berne.

Souvent proposé sur des berlines haut de gamme, le suréquipement, gage de confort et de sécurité, a un coût, parfois non négligeable. Qu’en est-il de l’assurance ? Ces nouvelles technologies font-elles faire grimper des tarifs déjà salés depuis quelques années ?

Des équipements trop récents pour un parc vieillissant

Les nouveaux équipements de sécurité proposés dans les voitures sont encore récents. Il est trop tôt pour estimer un éventuel impact sur la sinistralité globale“, déclare-t-on chez Pacifica, la branche d’assurance dommages du Crédit Agricole.

En effet, parmi les 38 millions de véhicules en circulation en France au 1er janvier 2012 (Source : CCFA – Comité des constructeurs français d’automobiles) seules 1,9 millions étaient des voiture neuves. “Aujourd’hui, l’âge moyen du parc roulant français est de 8 ans et 3 mois”, explique Pierre Steward, directeur de coordination des régions chez BCA Expertise, une entreprise d’experts automobiles. “Il y a 8 ans, l’équipement était encore basique et il n’y a que l’ABS qui est rependu. Chaque année, le parc grignote petit à petit de nouvelles évolutions technologiques mais cela prend du temps”, ajoute-t-il.

Ainsi, les assureurs semblent ne pas avoir assez de recul pour analyser et intégrer ces technologies dans la tarification de leurs contrats d’assurance. “Ces variables d’équipement du véhicule sont peu utilisées par les assureurs parce qu’ils n’ont pas l’habitude de collecter ces données, ni de les exploiter pour calculer les tarifs“, affirme Jean-Guillaume Zanotti, Senior manager Assurance chez Deloitte.

“C’est très compliqué d’évaluer la pertinence d’un élément de sécurité. Par exemple, chaque fois que le contrôle de trajectoire (ESP) a fonctionné sur une auto, l’assureur ne le sait pas“, poursuit Pierre Steward. “Dans le cas contraire, l’assureur aurait peut-être eu à payer un sinistre matériel ou même corporel. Cela joue également sur la gravité de l’accident et c’est pareil pour l’ABS“.

Ces équipements ont un impact sur les tarifs d’assurance à partir du moment où l’on peut le mesurer, c’est à dire à partir d’un volume suffisant d’assurés équipés. Donc ce n’est pas encore le cas du radar anti-collison par exemple ou du système de détection de franchissement de ligne blanche“, affirme de son côté Bruno Lacoste Badie, directeur technique chez Maaf assurances.

Le paradoxe de la sinistralité

Le nombre de morts sur les routes de France a baissé de plus de moitié en 10 ans, tout comme le nombre de sinistres matériels et corporels. Les équipements de sécurité qui sont aujourd’hui installés électroniquement sur les véhicules semblent les rendre plus surs.

“Paradoxalement, les nouvelles technologies peuvent avoir deux impacts : un positif pour l’assuré en terme de prix puisque beaucoup de ces dispositifs de sécurité augmentent la protection du passager et donc diminue le prix de sa police d’assurance pour les dommages corporels”, affirme Jean-Guillaume Zanotti. “A l’inverse, ces dispositifs de sécurité très chers et fragiles augmentent le coût du véhicule et des réparations et, de fait augmentent potentiellement le prix de la police d’assurance”, conclut-il.

Les caractéristiques des véhicules, d’une façon générale, ont beaucoup d’impact sur la sinistralité. La puissance du véhicule, son poids, l’énergie qu’il utilise, le carburant, entrent en compte. En ce qui concerne les nouvelles technologies, il faut d’abord que les constructeurs prennent le temps de mesurer leur impact sur les voitures et les techniques pour en réduire le coût.

“Si un véhicule est bardé d’électronique (boucliers, calandre, etc), le moindre choc coûte beaucoup plus cher. D’un autre côté cela aide à ce qu’il y ait moins d’accident. Est-ce que l’un compense l’autre, je ne sais pas…“, déplore Pierre Steward avant de conclure “la vraie question, c’est quel est le nombre de sinistres évités avec ces équipements ? On voit une baisse de la sinistralité mais on est incapable de faire le distinguo entre les comportements des conducteurs et les équipements de sécurités de plus en plus présents dans les voitures”.

Des assureurs attentifs malgré tout

Même si pour l’heure les grilles de tarification des contrats d’assurance automobile n’intègrent pas ou peu d’équipements technologiques (ABS ou ESP) dans leur élaboration, les compagnies n’en sont pas moins attentives.

“Nous sommes malgré tout très intéressés par ces nouveaux équipements. Tout d’abord parce que l’on étudie les conséquences des chocs accidentels sur les véhicules et la façon dont on peut réparer ces véhicules. On suit donc l’évolution des systèmes de sécurité et l’on étudie la contribution de ces derniers à la diminution du coût de la réparation automobile”, explique Bruno Lacoste Badie, directeur technique chez Maaf Assurances.

Vers une auto technologique et écologique

Malgré l’étalage de tous ces nouvelles installations, plus ou moins utiles parfois, les clients semblent depuis peu saturés par le suréquipement. Voiture trop compliquée, peur des pannes ou des fausses manipulations, les acheteurs veulent à présent revenir à des équipements surs et efficaces.

Afin de séduire les assurés, les compagnies utilisent aujourd’hui indirectement les voitures écologiques. L’idée est de promouvoir de nouvelles technologies plus “vertes” censées faire baisser la sinistralité et permettant de mieux adapter les tarifs.

Par exemple, une voiture utilisant des batteries électriques démontre une accélération moindre en ville et va présenter moins de risques de collision qu’un véhicule thermique. Les assureurs vont également jouer sur un deuxième levier, cette fois-ci comportemental. Les assurés qui  achètent un véhicule écologique s’en serviront peut-être moins souvent, auront une conduite plus douce ou seront plus attentifs aux risques de pannes. Un meilleur profil pour les assureurs.


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