Dossier : Les petites entreprises pas concernées par la réforme des assurances catastrophes naturelles
Depuis la tempête Xyntia en 2010, la réforme du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles se fait attendre. Pour les petites entreprises, pas de modulations tarifaires en vue dans le futur texte de loi.
Depuis la tempête Xyntia en 2010, la réforme du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles se fait attendre. Pour les petites entreprises, pas de modulations tarifaires en vue dans le futur texte de loi.
L’année 2010 a marqué un tournant dans le processus d’indemnisation des catastrophes naturelles. Entre la tempête Xynthia des 27 et 28 février sur le littoral atlantique et les inondations du 15 juin dans le Var, le gouvernement de l’époque a souligné que des efforts devaient être entrepris en matière « de politique d’alerte, de secours et de prévention des risques naturels », peut-on lire en préambule de l’étude d’impact sur le sujet publiée en Mars 2012.
Plus de 30 ans après sa création, le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles a montré ses limites et l’exécutif a donc décidé d’élaborer un projet de réforme déposé au Sénat en avril 2012. Au programme, deux objectifs : renforcer la transparence et l’équité́ de ce régime “Cat Nat” et inciter aux comportements responsables en matière de prévention.
Prévention et modulation des primes : rien pour les petites entreprises
Fondé à la base sur la solidarité nationale, il est actuellement financé grâce à une surprime équivalente à 12% de la cotisation des contrats MRH (multirisques habitation) et à 6% de la cotisation des contrats d’assurance dommages automobile.
“Il est question de moduler les primes tarifaires sans remettre en question le régime solidaire”, explique Gaël Certain au bureau des Marchés et Produits d’assurance à la direction générale du Trésor. Ainsi, les assureurs pourraient hausser ou baisser leur niveau de primes pour les entreprises ou les collectivités, en fonction des plans de préventions engagées par ces dernières.
“En terme de prévention, c’est toute la question. Il faut savoir si le régime doit servir, ou non, à sensibiliser les acteurs à la prévention. L’idée est que, dans la mesure où tout le monde paye la même chose, le système actuel ne serait pas très incitatif à faire de la prévention”, déclare Stéphane Pénet, Directeur des assurances de biens et de responsabilité à la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA).
Les grandes entreprises plus sensibles à la prévention
Les grandes entreprises ont donc plus de facilités à être sensibilisées à la prévention à travers le prix de leur assurance. De fait, elles ont les moyens de se protéger et peuvent arbitrer entre le fait de payer plus cher leur assurance ou d’investir dans des plans de protections de ses biens.
“Nous pensons que pour les particuliers, les commerçants et artisans, les professions libérales ou les petites et moyennes entreprises, la question de la prévention est une question de politique publique (plan d’urbanisation, d’aménagement, présence ou non de PPRN) et finalement elles n’ont pas vraiment de moyens à leur niveau pour pouvoir agir et prévenir ce type d’aléa”, poursuit Stéphane Pénet. “Nous pensons à la FFSA qu’il faut maintenir le socle de solidarité tarifaire pour l’ensemble des risques et que la seule catégorie de risque sur laquelle il pourrait y avoir des variations de tarifs pour les “Cat Nat” en fonction des mesures de prévention qui seraient prises, ou non, seraient pour les très grandes entreprises, de plus de 50M d’euros de capitaux”.
Une orientation qui ne fait pas l’unanimité, comme le rappelait il y a quelques mois, Paul-Henry Bourrelier (vice-président délégué de l’association française pour la prévention des catastrophes naturelles) qui souhaite que “la loi ouvre la possibilité de modulation à tous, des particuliers aux grandes entreprises” même en limitant l’application aux seules entreprises. “Nous nous opposons à la modulation des surprimes sur le principe d’égalité et de solidarité qui est édicté dans l’alinéa 12 du préambule de la Constitution Française”, explique de son côté Jacques Avrillon, Co-président de l’Union nationale des associations de lutte contre les inondations (Unacli).
Accélérer l’indemnisation des assurés
Le projet de loi prévoit également un renforcement de la transparence du régime avec une accélération et amélioration de l’indemnisation des assurés. Au programme, établir par voie réglementaire, la liste des phénomènes naturels éligibles au régime d’indemnisation des catastrophes naturelles ainsi que les paramètres et seuils déterminant l’intensité des phénomènes naturels.
“Il faut rendre le régime plus transparent sur les phénomènes climatiques et établir un seuil de reconnaissance afin de pouvoir concrètement caractériser une inondation ou un cyclone de l’ordre de la loi”, explique ensuite Gaël Certain.
“Les assureurs défendent aux aussi leurs intérêts, mais il faut qu’ils le fassent sans surcharger outre mesure les assurés victimes », estime Jacques Avrillon. “Il faut un grand plan Marshall ou plan d’urgence pour rattraper le temps perdu. Il faut un investissement aussi important que ceux qui ont été entrepris pour développer le réseau autoroutier ou pour moderniser la SNCF depuis 30 à 40 ans. Cela n’a pas été le cas pour les fleuves et rivières”, conclut-il.
Vers une sortie du risque sécheresse ?
Catastrophe naturelle rime souvent avec inondation ou tempête, mais la sécheresse fait également partie du lot de calamités prises en charges par le régime. Cependant, cette couverture pourrait être remise en question lors de la future réforme.
“Nous nous dirigeons vers une sortie progressive des risques sécheresses, notamment le risque de retrait-gonflement d’argiles”, déclare Gaël Certain. “Aujourd’hui, environ 35% des coûts du régime dépendent de ce risque et la France est le seul pays d’Europe à couvrir cela. Nous considérons que ce risque est évitable si une maison est bien construite. L’idée est de dire que l’assurance dommage-ouvrage ou que la RC (responsabilité civile, ndlr) du constructeur prenne à sa charge ces sinistres sur les 10 première années, puis ensuite ce sera le régime d’indemnisation des “Cat Nat” qui prendra le relai”, conclut-il.
Une réforme qui se fait attendre
Soumis au Sénat en plein période électorale, le projet de réforme du régime “Cat Nat” a été quelque peu “retravaillé par le nouveau gouvernement” selon Gaël Certain, mais semble aujourd’hui au point mort.
“Nous avons accompli un progrès fondamental en 2012 et nous sommes en phase d’accélération qui peut ne pas être visible à l’œil nu”, déclarait début février 2013 Stéphane Pallez, Présidente de CCR (Caisse Centrale de Réassurance) lors d’une interview sur notre plateau à Lyon.
“Beaucoup de rapports continuent à sortir sur ce sujet, le Sénat à rendu un rapport sur les inondations du Var de l’année dernière, la cour des comptes va sortir un rapport sur Xynthia et Madame Batho (ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie) est auditionnée régulièrement sur le thème. Donc le sujet n’est pas du tout abandonné, ni sorti de l’esprit des principaux acteurs”, ajoute-telle.
Entre temps, le Ministère de l’environnement et de l’écologie, les assureurs via la MRN (Mission des risques naturels) et CCR ont officialisé en janvier 2012, l’Observatoire national des Risques Naturels (ONRN) qui devrait permettre de fournir des premiers indicateurs de risques en prévisions des futures catastrophes naturelles. “Même si cette loi aurait du être votée en juin dernier, la ministre de l’écologie va inaugurer officiellement l’observatoire lors des prochaines assises des risques naturels, le sujet est donc bien à l’ordre du jour”, conclut Gaël Certain.