La résiliation des contrats fait polémique
Une disposition prévue dans le futur projet de loi sur la consommation, continue à inquiéter les assureurs Français (voir notre article sur le sujet). Présenté le 24 avril prochain en Conseil des ministres, le texte pourrait permettre aux assurés de résilier leur contrat d’assurance à tout moment, sans frais, après une première année d’engagement. Les associations de consommateurs semblent elles plutôt satisfaites.
“Nous sommes étonnés et inquiets, d’autant plus que cette proposition est dangereuse, en premier lieu pour les assurés”, déclare Stéphane Pénet, Directeur assurances dommages de la FFSA. “Nous avions travaillé sur de nombreux sujets clés avec les associations de consommateurs dans le cadre du Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF), mais cette question de la résiliation à tout moment n’était jamais apparue. A notre connaissance il n’y avait aucune demande des consommateurs sur ce point là”, ajoute-t-il.
Pourtant, le Ministre délégué à l’économie sociale et solidaire, Benoit Hamon, “très vraisemblablement, ne souhaite pas bouger” sur ce point, déclare son cabinet interrogé par l’AFP. “Ce texte vise à agir sur les dépenses contraintes au moment où le budget des ménages est contraint”, ajoute-t-il.
Texte trop risqué ?
La disposition, qui concerne les contrats d’assurance habitation (MRH) et automobile, est vivement critiquée par les compagnies d’assurances et les assurances mutuelles.
“Nous pensons que cette mesure risque d’entraîner deux conséquences néfastes pour le consommateur”, explique M. Pénet. “La première est liée au principe d’annualité des contrats. L’engagement d’un assureur se calcule sur une année et si un assuré peut partir à tout moment, cela risque d’être techniquement très inflationniste.”
“D’un point de vue général, nous avons peur que la force juridique du contrat d’assurance dommage soit remis en cause par ce système et c’est une mesure qui nous parait préjudiciable pour la sécurité juridique de notre société”, explique de son côté Jean-Luc de Boissieu, secrétaire général du Gema (Groupement des entreprises mutuelles d’assurance). “Beaucoup de partenaires économiques ou publics fonctionnent avec l’idée que les contrats d’assurance sont renégociés tous les ans. Si l’assuré peut partir à tout moment, nous autres assureurs nous ne pouvons plus garantir aux forces de l’ordre, aux banquiers ou encore aux notaires que les contrats vont durer un an”.
Des tarifs à la hausse
Cette mesure pourrait également avoir des conséquences sur la tarification des contrats. “Il pourra y avoir un réflexe prudentiel des compagnies avec un risque de hausses de tarifs, ce qui n’est pas très bon pour le consommateur”, prévient M. Pénet.
“Contrairement à ce que dit le projet de loi, il ne faut pas s’attendre à des baisses de tarifs. Nous allons continuer à tarifer sur une base annuelle pour les contrats annuels”, poursuit de son côté M. de Boissieu. “Il n’y aura donc pas de baisse des tarifs, mais il y aura une hausse des coûts de gestion, une plus grande rotation des portefeuilles, et ce sera les intermédiaires et les comparateurs qui en bénéficieront et non le consommateur”.
Non-assurance
Autre contrecoup du futur texte de loi, la probable hausse du nombre de personnes qui ne seront plus assurées. “La deuxième, c’est que l’attestation d’assurance, qui court sur une durée d’un an (carte verte automobile, attestation de propriété, responsabilité civile scolaire, permis de chasse…), ne sera plus valable à partir du moment où l’assuré quittera sa compagnie. Il y a un fort risque de non-assurance et de confusion pour les tiers en cas de sinistres”.
“Apparemment, le principe de tacite reconduction n’est pas remis en cause, mais les conséquences pourraient être similaires à ce qui se passe en Grande Bretagne (chaque contrat s’arrête au bout d’un an) où les coûts d’acquisition sont 4 à 5 fois plus chers en assurance automobile et où “les trous d’assurance” sont très importants. Qui plus est, l’assurance automobile anglaise est plus chère et avec des garanties moins protectrices du consommateur. Nous pensons donc que ce sont des modifications dangereuses”, conclut le directeur des assurances dommages de la FFSA.
Les associations de consommateurs plutôt satisfaites
De leur côté, les associations de consommateurs ne semblent pas avoir été consultées sur cette future directive, mais semble plutôt contentes des propositions mises sur la table. “Nous n’avons pas de position définitive sur la question”, explique Olivier Gayraud, Chargé de mission Consommation à la CLCV. “En l’état, nous trouvons que la loi Chatel n’est pas satisfaisante et que la fenêtre de résiliation reste trop courte. S’il y a une possibilité de libéralisation du consommateur, tant mieux, car certains assureurs ne jouent toujours pas le jeu”.
“Nous n’avons pas été consulté, mais cette proposition nous va très bien”, affirme de son côté Maxime Chipoy, chargé de mission Banque et Assurance à l’UFC-Que Choisir. “Ce que nous voulons, c’est que cela soit appliqué à toute les assurances, mais nous ne connaissons pas encore le périmètre d’action de ce texte. Cela répond donc à nos attentes”. Et ce dernier d’affirmer que “nous ne sommes pas d’accord avec les arguments avancés par les assureurs, notamment en ce qui concerne la fraude et la difficulté de calcule des tarifs. Notre seul crainte concerne les assurances affinitaires pour lesquelles l’application de ce texte ne concernait que l’assurance de biens mais pas l’assurance de services, conclut-il.