Affaire Médiator : Les laboratoires Servier prêts à rembourser les victimes cessant de les poursuivre
Réaffirmant qu’il assumerait « toute (sa) responsabilité » dans le cadre des procédures d’indemnisation rapides mises en place par la loi Kouchner en 2002, le groupe s’est également dit prêt à mettre en place un fonds complémentaire pour les victimes qui seraient exclues de ces procédures légales.
Seraient concernées les victimes dont le préjudice est antérieur au vote de la loi, ou celles dont l’incapacité partielle permanente est inférieure à 24%. « Par dérogation au droit commun et par souci d’équité, ce fonds complémentaire indemnisera les patients, même lorsque le Médiator leur a été prescrit en dehors des indications prévues dans l’Autorisation de mise sur le marché », ajoute même Servier.
« Ce fonds assurera le versement d’une indemnisation adaptée à chaque situation individuelle et laissera une place aux experts des associations de patients », poursuit le groupe. « Ça ne nous va pas du tout, il y a même plusieurs choses qui vont dans le mauvais sens », a déclaré à l’AFP Nicolas Godfroy, responsable du département juridique de l’association.
« On avait demandé à ce que ce soit un fonds qui soit sous le contrôle de l’État, et là, on se retrouve avec un fonds sous le contrôle de Servier (…) Il faudrait que ce soit un fonds indépendant sous contrôle de l’État », a expliqué M. Godfroy. « C’est la première chose qui nous paraît aberrante. La deuxième, c’est quand on voit qu’ils demandent aux personnes qui passeraient par ce fonds de renoncer à toute action judiciaire (…) On est assez scandalisé que Servier puisse faire une proposition de la sorte », a ajouté M. Godfroy.
Même écho du côté de Me Charles Joseph-Oudin, avocat de victimes du Médiator. S’il se félicite ironiquement de voir Servier reconnaître implicitement dans son communiqué la « nocivité » de son médicament, Me Joseph-Oudin « n’imagine pas une seconde que le gouvernement laisse passer une proposition pareille ». « Je ne peux pas imaginer que le silence des victimes puisse être acheté », a-t-il estimé, s’interrogeant en outre sur l’attitude de Servier par rapport aux expertises qui devraient être menées pour bénéficier des indemnisations de ce fonds. « S’ils ne changent pas, j’ai peur qu’aucune victime n’obtienne d’indemnisation de ce fonds », a-t-il ajouté.
« Les modalités précises de fonctionnement du fonds font l’objet de dernières améliorations dans le cadre des travaux que les laboratoires Servier mènent avec Mme le président Favre », une magistrate nommée par le gouvernement pour faire avancer le dossier de l’indemnisation des victimes du Médiator, précise toutefois Servier. « Une première dotation de 20Millions d’euros permettra au fonds de fonctionner dès que l’aval des ministres (de la Justice et de la Santé) sera donné », conclut le groupe.
Le Médiator, un médicament destiné aux diabétiques en surpoids largement détourné comme coupe-faim, aurait fait en 33 ans entre 500 et 2.000 morts, avant d’être retiré du marché français en novembre 2009. Plus de 300 plaintes ont été déposées à Paris dans ce dossier.
Paris, 10 mars 2011 (AFP)