Réaffirmation de la renonciation comme sanction automatique du défaut d’information de l’assureur
Réaffirmation de la renonciation comme sanction automatique du défaut d’information de l’assureur
L’essentiel du point de vue de l’Expert
La cour précise tout d’abord les obligations du législateur :
– lorsqu’une réglementation communautaire ne comporte aucune disposition spécifique prévoyant une sanction en cas de violation (ou renvoie sur ce point aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales) : l’article 10 du Traité CE impose aux Etats membres de prendre toutes mesures propres à garantir la portée et l’efficacité du droit communautaire dans des conditions de fond et de procédure conférant à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif
– concernant l’assurance directe sur la vie : si la finalité de la Directive 2002/83/CEE (telle qu’elle résulte de son préambule) est de veiller à garantir au preneur d’assurance le plus large accès aux produits d’assurance (le faire profiter d’une concurrence accrue dans le cadre d’un marché unique) en obligeant les assureurs à lui transmettre les informations nécessaires pour choisir le contrat qui convient le mieux à ses besoins, les dispositions de l’article L. 132-5-1 du code des assurances sanctionnent le défaut de remise des documents et informations prévus par ce texte.De plus, la cour précise ainsi les obligations de l’assureur
– ces informations doivent être remises au souscripteur avant la conclusion du contrat et que le délai de renonciation est prorogé à la date de la remise de ses informations.
– Sur l’article 36 de la Directive 2002/83/CEE relative à l’information concernant l’assurance directe sur la vie : si avant la conclusion du contrat, la directive oblige les assureurs a transmettre au minimum les informations énumérées à l’annexe III point A, l’Etat membre peut exiger la fourniture d’informations supplémentaires qui apparaîtraient nécessaires à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de l’engagement car le formalisme de l’article L. 132-5-1 du code des assurances (dispositions d’ordre public) tend à assurer la plus claire information du preneur.Enfin, la cour précise les modalités de renonciation de l’assuré:
– Sur l’article L. 132-5-1 du code des assurances, plus particulièrement à son 2ème alinéa qui dispose que le défaut de remise des documents et informations :o elle entraîne de plein droit la prorogation du délai de renonciation : la Haute cour précise qu’il est impossible de renoncer au bénéfice de ces dispositions d’ordre public.
o La faculté de renonciation de plein droit au contrat est une faculté indépendante de l’exécution du contrat puisque le délai de renonciation se trouve prorogé jusqu’à l’accomplissement par l’assureur de ses obligations.o l’exercice de la faculté de renonciation sanctionnant le défaut de remise à l’assuré des documents et informations est discrétionnaire pour l’assuré dont la bonne foi n’est pas requise.
o L’exercice de la faculté de renonciation est possible sans que l’assuré ait besoin de prouver son préjudice devant le tribunal
– Sur la restitution des sommes versées par le souscripteur en cas de renonciation :
o Le principe est la restitution de l’intégralité des sommes. Cette restitution s’effectue dans les conditions fixées par le troisième alinéa dudit article qui est compatible avec les articles 35 et 36 de la Directive 2002/83/CEE.
o Par exception, la renonciation entraîne la restitution partielle par l’assureur des sommes versées, dès lors que cela n’est que la conséquence des opérations effectuées dans le cadre du contrat
Observations préalables : voir article sur les arrêts de la cour de cassation du 7 mars 2006.
Les deux arrêts rendus par la 2ème chambre civile de la cour de cassation du 10 juillet 08 (n° pourvoi : 07-12.071) sont relatif au droit des assurances, plus particulièrement au défaut d’information de l’assureur.
En l’espèce, après avoir souscrit auprès d’une assurance un contrat collectif d’assurance vie, l’assuré utilise à deux reprises sa faculté en demandant à l’assurance le rachat partiel de son contrat. Par la suite, il reproche à l’assureur de ne pas avoir respecté son obligation précontractuelle d’information. Il souhaite alors exercer sa faculté de renoncer au contrat mais l’assureur la lui refuse. Il assigne alors son assureur, devant le tribunal de grande instance, en restitution du capital investi après déduction du montant reçu au titre du rachat partiel.
Les juges du fond saisi en deuxième instance ont accueilli cette demande au titre dudit article L.132-5-1 du code des assurances.
En effet, l’article dispose dans son alinéa 1 que « toute personne physique qui a signé une proposition ou un contrat d’assurance sur la vie ou de capitalisation a la faculté d’y renoncer par lettre recommandée avec demande d’avis de réception pendant le délai de trente jours calendaires révolus à compter du moment où elle est informée que le contrat est conclu. Ce délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. S’il expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il n’est pas prorogé ».
L’alinéa 2 dudit article pose l’effet de la renonciation : « la renonciation entraîne la restitution par l’entreprise d’assurance ou de capitalisation de l’intégralité des sommes versées par le contractant, dans le délai maximal de trente jours calendaires révolus à compter de la réception de la lettre recommandée. Au-delà de ce délai, les sommes non restituées produisent de plein droit intérêt au taux légal majoré de moitié durant deux mois, puis, à l’expiration de ce délai de deux mois, au double du taux légal ».
Puis, le 4ème alinéa, pose les contrats pour lesquels la renonciation est possible : « elles ne s’appliquent pas aux contrats d’une durée maximale de deux mois ».
Face à cette décision de la cour d’appel, l’assureur décide ainsi de former un pourvoi en cassation.
Il conteste la décision des juges du fond par trois moyens :
– Dans le premier, le pourvoi fait valoir que la cour d’appel a fait une mauvaise application de l’article L 132-5-1 du code des assurances. Elle explique que le contrat de l’espèce était régit par les dispositions particulières de l’article L. 140-4 du même code posant les modalités d’information des adhérents à un contrat d’assurance de groupe (avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 modifiant les articles L. 132-5-1 et suivants du code des assurances). Or, la cour d’appel a fait application de L 132-5-1 du code des assurances non dans sa forme ancienne mais dans sa nouvelle forme, de sorte que la cour a violé le texte.
– Dans le deuxième, le pourvoi fait valoir que la cour d’appel a violé l’article 10 du traité de la communauté européenne. En effet, il relève que lorsqu’un directive communautaire ne comporte aucune disposition spécifique pour sanctionner toute violation d’une obligation qu’elle pose, l’article 10 du Traité CE impose aux Etats membres de prendre toutes mesures propres à garantir l’efficacité du droit communautaire dans les conditions de fond et de procédure conférant à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif. Mais il précise que, dans le souci de préserver le principe de sécurité juridique, l’article 30 de la directive 92/96/CEE (devenu l’article 35 de la directive 2002/83/CEE) impose aux Etats membres d’enfermer le droit de repentir du preneur d’assurance dans un délai compris entre 14 et 30 jours à compter du moment où celui-ci est informé que le contrat est conclu. Puis il relève que cette directive n’établit pas de lien entre l’exercice du droit de repentir et l’obligation faite aux assureurs de fournir les informations prévues par son article 31. Ainsi pour le pourvoi, la sanction instituée par l’article L. 132-5-1 du code des assurances qui consiste à proroger indéfiniment le délai d’exercice de son droit de repentir en cas d’insuffisance de l’information précontractuelle fournie au preneur d’assurance sans exiger de sa part la démonstration préalable d’un préjudice, n’est pas proportionnée aux objectifs poursuivis par la directive précitée.
– Dans le troisième, il fait valoir que la cour d’appel a méconnu le sens de l’article L 132-5-1 :
o D’une part, l’assureur considère qu’il est toujours permis à un contractant de renoncer au bénéfice d’une règle d’ordre public, instituée en sa faveur, pourvu que cette renonciation intervienne postérieurement à l’acquisition de son droit. Or, au titre de l’article L 132-5-1, le droit de rétractation est acquis au preneur d’assurance dès le premier versement effectué sur son contrat d’assurance. En l’espèce, les assurés ont été avisés de l’existence de ce droit de rétractation lors de la signature du bulletin d’adhésion. En constatant que les assurés avaient nécessairement renoncé à se prévaloir de ce délai de réflexion et de cette faculté de rétractation en décidant d’effectuer deux opérations de rachat partiel de leur contrat d’assurance puis en considérant que le droit de rétractation de l’article L. 132-5-1 ne serait pas né avant la remise effective de l’ensemble des informations dues au preneur d’assurance, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
o D’autre part, le pourvoi fait valoir que la cour d’appel a violé l’article 1134 al. 3 du code civil en faisant droit à la demande en renonciation du contrat alors qu’au titre dudit article, manque à l’exigence de bonne foi dans l’exécution du contrat, l’assuré qui fait valoir que son assureur a manqué à son obligation d’information alors même que son comportement dans l’exécution du contrat démontrait qu’il avait parfaitement eu connaissance du contrat et en avait une très bonne maitrise (en l’espèce, le fait que les assurés ont pratiqué deux rachats partiels de contrat).
En effet, la renonciation est traditionnellement définie comme « la manifestation de volonté contraire ou la manifestation unilatérale de volonté par laquelle l’auteur de l’acte entend renoncer à sa volonté » (voir I. Alonson la rétractation et la révocation en droit privé, th. Dactyl Montesquieu Bordeaux IV 2001 n°1 ; voir également S. Mirabail la rétractation en droit privé français LGDJ 1997 JP Marty p. 2).
La doctrine distingue le délai de rétractation prévu pour les crédits immobiliers à l’article L132-1 du code de la consommation, le délai de renseignement à distance prévu par la loi n°71-56 du 12 juillet 71 et la rétractation pure et simple.
La technique de la renonciation est considérée comme un moyen d’anéantir le contrat qui s’est formé ou comme une condition suspensive du contrat empêchant la formation définitive du contrat. A coté de cela, la plupart des auteurs de la doctrine du droit des contrats considèrent la faculté de rétractation comme une condition résolutoire du contrat déjà formé qui est totalement distinct du délai de réflexion du contrat (voir Bernadeau, droit de rétractation du consommateur : un pas vers la doctrine sur l’arrêt de la CJCE du 22 avril 1998 JCP 2000 I 218, voir aussi loi 22 déc. 1078 sur la protection du consommateur sollicité à domicile, RTD 1973 p. 66 Mirabail p. 24 et suivantes ; I Alonso n°251).
Par l’arrêt du 10 juillet 2008, la cour de cassation rejette le pourvoi au motif que la cour d’appel a fait une juste application du droit. Elle répond aux trois arguments du pourvoi :
– Tout d’abord, elle considère que la cour d’appel « énonce exactement que les dispositions de l’article L. 132-5-1 du code des assurances, dans leur rédaction alors en vigueur, s’appliquent à tout contrat d’assurance sur la vie, y compris aux contrats d’assurance de groupe »
– Ensuite, elle réaffirme que « la finalité de la directive 2002/83/CEE, telle qu’elle résulte de son préambule, est de veiller à garantir au preneur d’assurance le plus large accès aux produits d’assurance en lui assurant, pour profiter d’une concurrence accrue dans le cadre d’un marché unique de l’assurance, les informations nécessaires pour choisir le contrat convenant le mieux à ses besoins, ce d’autant que la durée de ses engagements peut être très longue ». Dès lors, « pour être proportionnée à cet objectif, la sanction édictée n’a pas à être subordonnée à la démonstration préalable d’un préjudice subi par le preneur d’assurance ».
– Enfin, elle rappelle que le droit de renonciation au contrat ne peut être éteint par l’expiration du délai dans lequel il doit être exercé, avant qu’ils aient été en mesure de l’exercer de façon utile par la remise effective des documents dont s’agit et qu’il est impossible renoncer au bénéfice du formalisme protecteur des dispositions d’ordre public de l’article L. 132-5-1 du code des assurances puisque ce droit ne prend naissance qu’au moment où la renonciation intervient
Par conséquent, la Haute Cour fait une interprétation rigoureuse du droit des assurances-vie : Elle rappelle les finalités de la directive communautaire et le rôle du législateur en matière de transposition du droit communautaire : suivre ces finalités et combler ces lacunes en créant des sanctions en cas de violations des obligations posées par le texte communautaire. Puis, elle précise que la sanction législative joue dès lors qu’elle est proportionnée à la finalité visée sans qu’il y ait besoin de démontrer le préjudice subi.
La Haute Cour précise enfin que le législateur a entendu (par son article L132-5-1) contraindre l’assureur à délivrer au souscripteur une information suffisante et a assorti cette obligation d’une sanction automatique dont l’application ne peut être subordonnée aux circonstances de l’espèce.