Accidents corporels : Réduire l’être humain à de simples chiffres
Une proposition de loi vient d’être déposée devant le Sénat pour mieux encadrer l’indemnisation des victimes de dommages corporels. Certains avocats et associations de victimes estiment qu’il est impossible de réduire l’être humain à de simples chiffres.
En octobre dernier, les sénateurs Philippe Kaltenbach et Christophe Béchu, co-rapporteurs d’une mission d’information sénatoriale sur l’indemnisation des dommages corporels ont formulé plusieurs propositions visant à mettre en place “une évaluation plus objective et harmonisée des ITT (ndlr. Incapacité Totale de Travail)“ et favoriser la diffusion “d’un référentiel national d’indemnisation des dommages corporels” élaboré notamment par la cour d’appel de Paris.
“Un nez cassé peut valoir de 0 à 15 jours d’ITT, un viol de 15.000 à 40.000 euros et la mort d’un enfant de moins de 50.000 à 300.000 euros, selon les juridictions”, explique notamment Philippe Kaltenbach, sénateur maire de Clamart.
Une initiative qui semble trouver écho, notamment auprès de la Garde des Sceaux comme le confirme François Ancel, sous directeur du droit civil à la Dacs (Direction des affaires civiles et du sceau) qui déclarait le 21 novembre, lors des 8e États généraux du dommage corporel à Aix-en-Provence qu’“il nous semble pertinent d’harmoniser les outils pour évaluer la souffrance et d’établir un barème médical unique pour une meilleure prise en compte de la douleur”.
Indemnisation au cas par cas
De leur côté, les associations de victimes contestent la mise en place de telles mesures, préférant que les magistrats continuent à statuer au cas par cas. Les avocats montent eux aussi au créneau et freinent des quatre fers face à ces mesures.
“L’être humain n’est pas réductible aux chiffres”, déclare Me. Gisèle Mor, avocat en droit médical et ancien bâtonnier. “De plus, nous ne sommes pas égaux devant la souffrance et un référentiel national unique pour indemniser les dommages corporels des victimes pourrait parfois leur porter préjudice”, ajoute-elle.
Les experts d’assurance en cause ?
“Par définition, les assureurs sont obligés d’indemniser les victimes (Loi Badinter du 5 juillet 1985) par le biais d’experts et de médecins conseil”, explique de son côté Hélène Béjui-Hugues, délégué général de l’Aredoc (Association pour l’étude de la réparation
du dommage corporel). “Le problème, c’est que certains experts judiciaires travaillent aussi pour les assurances. Il faut que chacun ait un rôle clair et précis car il y a parfois une confusion des genres. La crainte est que les assureurs puissent mieux rémunérer les experts par rapport aux instances judiciaires, cela pose alors un problème d’éthique”, affirme-t-elle.
Mais la légitimité des experts médicaux d’assurance est également remise en cause vis-à-vis des indemnisations versées en fonction des barèmes et des échelles de cotations utilisées dans l’évaluation des dommages corporels. “L’échelle de la souffrance endurée (SE) se calcule aujourd’hui sur une échelle allant de 0 à 7”, rappelle Olivier Guillon, avocat au barreau de Paris. “Si nous tendons vers un encadrement plus stricte de la cotation médicale, cela fera la part belle aux assureurs qui ne feront que respecter les barèmes et indemniseront a minima“.
Aujourd’hui, les facteurs liés aux dommages corporels (physique, psychique, etc…) restent très difficiles à quantifier et à transformer en grilles tarifaires. Ainsi, un encadrement stricte de l’indemnisation des préjudices liés aux blessures corporelles n’est pas encore prêt à être mis en place, malgré le souhait des assureurs.
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