Actes de terrorisme : Le fonds (FGTI) qui indemnise les victimes se retourne souvent contre les auteurs
Chargé d’indemniser les victimes d’actes terroristes, le fonds FGTI se retourne fréquemment contre les auteurs, pour le symbole, mais pas seulement.
Créé en 1986, alors que la France était l’objet d’une vague d’attentats meurtriers, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) l’a d’abord été pour indemniser les victimes ou leurs ayants droit.
Dans certains cas, lorsque la victime a été gravement blessée et que son incapacité est importante et permanente, l’indemnisation peut atteindre plusieurs millions d’euros. D’autant que dans le cas d’un acte terroriste, l’évaluation est majorée de 40% par rapport à une infraction de droit commun.
Entre 1986 et 2012, 3.882 victimes ou leurs ayants droit ont été indemnisées au titre du terrorisme, pour un total de 94,3 millions d’euros.
Depuis 1990, le FGTI a élargi son champ d’intervention aux victimes d’infractions de droit commun, qui représentent désormais l’essentiel de l’indemnisation (266 millions contre 2 pour le terrorisme en 2012).
Après indemnisation, le FGTI tente de recouvrer tout ou partie des fonds qu’il a déboursés.
En premier lieu, avant de viser l’auteur lui-même, il tente de trouver une société qui puisse être tenue d’assurer réparation. Il peut s’agir, par exemple, d’un voyagiste pour les victimes d’actes terroristes commis hors de France.
“On se remboursera d’autant plus facilement qu’on aura identifié une personne morale et la plupart du temps un assureur”, explique François Werner, directeur général du Fonds de garantie, qui chapeaute le FGTI.
Lorsque ce n’est pas possible, il faut se retourner contre le ou les auteurs. C’est notamment le cas pour les actes commis par les séparatistes basques de l’ETA, dont six membres présumés comparaissent devant la cour d’assises spéciale de Paris jusqu’à vendredi pour l’assassinat de deux gardes civiles espagnols à Capbreton (Landes).
Les auteurs n’ayant, le plus souvent, aucun patrimoine connu, le recours est “plus difficile, mais il n’est pas théorique”, fait valoir M. Werner.
En 2011, 635.000 euros ont été recouvrés pour des actes de terrorisme, dont 10% seulement venaient des auteurs eux-mêmes. “Ce n’est pas négligeable du tout dans notre compte de résultat”, souligne le directeur général du Fonds de garantie.
Au-delà, il s’agit aussi “d’assurer l’exemplarité et de faire réparer l’auteur”, selon M. Werner. Il rappelle également que l’indemnisation est assurée grâce au prélèvement forfaitaire de 3,30 euros par an sur chaque contrat d’assurance de biens (montant inchangé depuis dix ans). Dès lors, “nous sommes comptables. Nous devons pouvoir dire aux assurés que nous ne leur demandons que ce qui est strictement nécessaire”, explique-t-il.
Depuis le début des années 2000, l’action en recouvrement est montée en puissance au FGTI, en particulier vis-à-vis des auteurs. En incluant les infractions de droit commun, l’équipe de recouvrement compte aujourd’hui près de 50 personnes.
“Aujourd’hui, l’auteur d’un acte terroriste peut être, pour l’ensemble de sa vie, redevable d’une somme, et on ne le lâche pas”, assure M. Werner.
Plusieurs auteurs condamnés de la vague d’attentats du milieu des années 80 en France “nous paient encore des sommes. Modestes, mais trente ans après, ils nous paient encore.”
En incluant les infractions de droit commun, ce sont environ 12.000 détenus qui versent chaque année quelque chose au FGTI, près de 20% de la population carcérale.
“Ce qu’ils donnent provient souvent du travail qu’ils effectuent en tant que détenu. Une très grande majorité de nos débiteurs respectent leurs engagements”, explique M. Werner. “Cela fait partie, dans beaucoup de cas, de leur programme de réinsertion. Donc s’ils ne le respectent pas, ils s’exposent à un maintien en détention.”