Marée noire : Les indemnisations et les amendes pourraient fragiliser BP
- Publié le 18/06/2010
- Damien Dozol
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Les autorités américaines doivent se livrer à un exercice délicat dans leur réaction à la marée noire du golfe du Mexique, en punissant le pétrolier BP sans toutefois le pousser à la faillite. Soumis à une pression intense du président Barack Obama, BP a annoncé mercredi la création d’un compte bloqué de 20Mds de dollars destiné à dédommager les victimes, et suspendu les versements de dividende.
Mais à ceci pourraient s’ajouter des dizaines de milliards de dollars d’amendes et de condamnations en justice. Certains experts craignent en outre que le groupe britannique perde sa licence d’exploitation en mer aux Etats-Unis, ce qui entraînerait une énorme réduction de son activité. Robert Weissman, président de l’association Public Citizen, a déjà demandé à l’administration américaine d’exclure BP de contrats juteux, de lui interdire de forer en mer, et de lui imposer les plus fortes amendes possibles.
BP était le principal fournisseur de carburant du Pentagone durant l’exercice fiscal 2009, avec 11,7% des contrats accordés, d’une valeur de 2,2Mds de dollars. Pour M. Weissman, ce contrat devrait être annulé et BP doit être exclu de la liste des fournisseurs du gouvernement américain. Mais Michael Wara, expert en droit environnemental à la faculté de droit de Stanford, souligne qu’une exclusion « n’est pas censée être une punition » et qu’elle doit être décidée dans l’intérêt du bien public.
« S’ils n’opèrent pas dans de bonnes conditions de sécurité, s’ils fraudent, s’ils sont imprudents, alors le gouvernement peut envisager d’exclure une entreprise, mais il doit aussi prendre en compte le coût que cela représentera », indique M. Wara à l’AFP.
« En l’occurence, BP est l’un des principaux fournisseurs de kérosène des militaires et le plus gros fournisseur de pétrole et de gaz aux Etats-Unis. Donc exclure BP pourrait avoir des effets néfastes pour l’économie américaine », précise-t-il. Pour M. Weissman, « l’idée de la loi c’est que le gouvernement ne doit pas accorder des contrats à des entités qui vont fournir ces biens ou services d’une façon illégale ».
« On ne peut pas être sûr, en traitant avec BP actuellement, que cela ne va pas arriver, donc le gouvernement a une très bonne raison pour l’exclure » de ses fournisseurs, explique M. Weissman à l’AFP. L’administration a probablement menacé BP d’exclusion dans le cadre de ses négociations avec le groupe, selon M. Wara. « Le président Obama l’a laissé entendre quand il a utilisé le terme « imprudent » lors de son discours à la nation mardi soir, note-t-il. « Je ne crois pas que c’était fortuit ».
S’il est établi que BP a agi avec imprudence, et pas seulement avec négligence, sa responsabilité civile pourrait être engagée très au-delà des millions de dollars évoqués jusqu’à présent: les amendes civiles pour violation de la loi sur l’eau propre pourraient alors atteindre 10Mds de dollars, selon M. Wara.
De leur côté, les groupes de pression pro-secteur pétrolier appellent le gouvernement à se rappeler que BP emploie 23.000 personnes aux Etats-Unis. « Ce que nous espérons, c’est que quelles que soient les mesures prises, elles le soient d’une manière informée, en tenant compte des emplois » qui en dépendent, a déclaré un responsable de l’American Petroleum Institute à la radio NPR.
D’autant que « les Etats-Unis ont vraiment intérêt à ce que BP et BP America restent des sources d’argent fiables où on puisse trouver des dollars » pour payer le nettoyage et les dédommagements, souligne M. Wara. De son côté, M. Weissman craint que BP « se réfugie dans la faillite », pour échapper à ses obligations. « Il y a de sérieuses raisons de penser que BP pourrait se livrer à des manœuvres pour éviter de payer ce qu’il doit ».
Los Angeles, 17 juin 2010 (AFP)