Crise financière et nouvel outil de protection des entreprises : Le fond de sécurisation du crédit interentreprises
Observations préalables :
Le crédit interentreprise est un crédit que les entreprises s’accordent entre elles implicitement. En effet, une entreprise peut consentir un crédit à l’un de ses clients en lui consentant des délais de paiement.
C’est une source de financement qui peut être importante mais qui n’est pas sans risque puisque, contrairement aux banques, les entreprises ont des capacités assez faibles de mesurer la solvabilité de leurs clients lorsqu’elles leur accordent des délais de paiement. C’est un des éléments du besoin en fonds de roulement.
Le crédit est actuellement une des préoccupations des pouvoirs publics. L’automne dernier par exemple, le président de la République français a nommé Mr René Ricol en tant que médiateur du crédit aux entreprises afin d’aider les petites et moyennes entreprises à faire face à leurs difficultés financières, notamment bancaires. De plus, en première lecture du 17 mars 2009, l’assemblée nationale de la République française a adopté une proposition de loi sur l’accès au financement de ses petites et moyennes entreprises qui impose aux banquiers l’obligation de motiver le refus de crédit opposé à son client. Cette loi est une petite révolution dès lors que par principe, le droit positif français dispose que le banquier a la liberté de rompre un crédit (voir décision de l’assemblée plénière du 9 oct. 2006, Bull. AP n°11, D. 2007 Pan. 758 obs. Martin).
Les pouvoirs publics sont allés plus loin en créant un fond de sécurisation du crédit interentreprises. Par la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificatives pour 2009, il a été instauré un mécanisme de partage des risques entre l’Etat et les assureurs crédits (L. n°2008-1443 du 30 déc. 2008 publiée au JO du 31 déc. 08 art. 125).
Les entreprises, comme les particuliers, assurent la plupart du temps leurs patrimoines immobiliers ainsi que leurs stocks. Mais très peu d’entre elles assurent leurs créances clients qui constituent pourtant environ 30 % de l’actif du bilan.
Face au ralentissement de la conjoncture et la hausse des risques, plusieurs compagnies et courtiers d’assurances proposent aujourd’hui aux entreprises un produit qui permet de les prémunir contre l’insolvabilité de leurs clients et de limiter les impayés : l’assurance-crédit. Ce contrat est un outil de gestion qui repose sur trois services : la prévention, le recouvrement, l’indemnisation :
– La prévention : pour ses clients dont le solde comptable (de son compte d’épargne, de prêt, de stock, etc.) est supérieur à 5000 euros, l’assureur-crédit exerce une surveillance permanente et informe son client en cas de dégradation de sa solvabilité.
– Le recouvrement : en cas d’impayé, l’entreprise cliente transmet le dossier contentieux à sa compagnie d’assurance qui se charge du recouvrement par voie amiable et judiciaire avec le débiteur. Les frais de dossier sont pris en charge par la compagnie d’assurance soit totalement soit partiellement.
– L’indemnisation : en cas d’insolvabilité constatée ou de procédure judiciaire du débiteur, l’entreprise cliente est indemnisée par son assurance dans le délai posé par le contrat.
Mais, toutes les entreprises n’ont pas accès à l’assurance crédit et c’est pour cette simple raison que le législateur est aujourd’hui intervenu en adoptant un second projet de loi de finances.
Un projet a été présenté en conseil des ministres le 4 mars 2009 et a été adopté en première lecture à l’assemblée nationale le 19 mars 2009. L’amendement du gouvernement vient tout juste d’être adopté lors de l’examen au Sénat du second projet de loi de finances rectificatives pour 2009 (voir le projet de loi de finances rectificatives pour 2009 art.8 bis).
Il s’agit d’instituer un fonds de sécurisation du crédit interentreprises au profit des entreprises qui n’ont pas d’accès à l’assurance-crédit. L’objectif est de garantir à ces entreprises le risque de non paiement du montant global du crédit client qui ne peut pas être pris en charge par les assureurs-crédit, soit parce que l’assureur a retiré sa garantie sur un risque client donné, soit parce qu’il a refusé de couvrir ce client.
Ce fond est dénommé Fonds de sécurisation du crédit interentreprises. Il se propose de couvrir des classes de risques qui seront définis dans le cadre d’un futur décret. Ce fond sera doté de 200 millions d’euros et pourra couvrir une capacité maximale de 5 milliards d’euros de risques d’assurances crédit.
Il faut souligner que le projet adopté précise que seuls les risques situés en France seront couverts. On peut donc concevoir par exemple qu’une entreprise étrangère dont le client est situé en France puisse demander à ce que ses risques soient garantis par ce fond.
Concrètement, à partir du 31 décembre 2009, ce fond sera mis à disposition des sociétés d’assurances crédits qui distribueront cette nouvelle garantie dans le cadre de conventions pour leur compte et celui du fond.
L’essentiel du point de vue de l’Expert
Le projet prévoit que les conventions entre ces sociétés d’assurance et le fond devront indiquer les conditions d’exposition des entreprises d’assurance aux risques couverts par le fond. La gestion comptable et financière du fond sera confiée à la Caisse centrale de réassurance. C’est elle qui passera les conventions avec les sociétés d’assurances crédits.
Par conséquent, à partir du 31 décembre 2009, deux garanties seront offertes aux entreprises ayant accordées des crédits interentreprises à leurs clients :
– l’assurance crédit
– le fond de sécurisation du crédit interentreprises pour les entreprises n’ayant pas accès à l’assurance crédit.